Jean Sévillia : « Notre-Dame va devoir affronter de nouveaux dangers »

Notre-Dame a échappé au feu, mais elle devra affronter de nouveaux dangers : celui de la transgression et de la défiguration. Mais pour l’historien Jean Sévillia, qui explique cette volonté de détournement du patrimoine, l’âme de l’Église de France a les ressources pour traverser l’épreuve.

Quelle fut votre première impression à l’annonce de l’incendie de Notre-Dame ? 

Jean Sévillia. — Un effet de sidération, comme si la guerre était entrée à nos portes. Comme chrétien et comme Français, je me suis senti atteint au cœur. Puis après le choc mental, l’abattement, j’ai été touché par l’émotion nationale qui s’est exprimée dans tout le pays, y compris par la France laïque. Libération titre au lendemain de la tragédie : « Notre Drame ». Devant une catastrophe d’une telle ampleur, ce pays tellement laïcard, aux tendances christianophobes de plus en plus marquées, ne cache pas sa tristesse. Et l’on voyait bien que ce n’était pas seulement pour des raisons patrimoniales : il y avait autre chose. Dans l’inconscient collectif, même si personne ne l’avoue, la Sainte Vierge parle aux Français.

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L’étrange verdict contre le cardinal Pell

Reconnu coupable de pédophilie, le prélat australien a été condamné au terme d’un procès qui soulève des questions dans le monde entier (1er mars 2019).

LA CONDAMNATION du cardinal australien George Pell, reconnu coupable d’agression sexuelle sur mineurs dans les années 1990, suscite des interrogations chez les commentateurs qui suivent le dossier de près. Alors que ses avocats ont fait appel et que le prélat proclame toujours son innocence, un professeur de droit interrogé par le Guardian soutient que George Pell a de bonnes chances d’être lavé de ses accusations. Pour le professeur Jeremy Gans, expert en matière de procédure pénale et d’appel en droit de l’université de Melbourne, l’invocation du « critère déraisonnable » par l’accusation devrait emporter la décision. Les experts judiciaires interrogés par le quotidien confirment cet avis : selon cet argument, le jury a rendu un verdict sans preuve.

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La colonel n’est pas un histrion

Le chef du détachement artillerie de l’armée française en Irak, le colonel François-Régis Legrier, critique dans la très officielle “Revue de défense nationale” la manière américaine de faire la guerre au Levant : détruire les infrastructures en s’aliénant la population sans éliminer l’ennemi. Fureur du ministre Florence Parly qui fait retirer l’article.

LE COLONEL a-t-il écrit trop vite [1] ? Dans un essai précédent (“Si tu veux la paix , prépare la guerre”, Via Romana, 2018) François-Régis Legrier avait défendu la « légitime intervention du militaire dans le débat public », en s’appuyant sur les travaux du philosophe Henri Hude. « Pour ne pas se laisser enfermer dans le rôle d’âme damnée ou d’histrion. » Continuer la lecture de « La colonel n’est pas un histrion »

Justice et vérité : ces généraux qui dérangent

L’hommage contrarié de la République aux grands chefs militaires de la Grande Guerre fait encore des remous. Comment l’expliquer ?

AINSI DONC, la vérité historique et l’hommage républicain ne sont pas compatibles, dixit le porte-parole du gouvernement. Selon Benjamin Griveaux, dans les propos du président de la République concernant le maréchal Pétain, « il n’était nullement question d’hommage républicain, mais de vérité historique ». Autrement dit, la République n’est pas soumise à la vérité pour honorer qui elle veut : la vérité ne peut s’assumer que si elle est politiquement conforme. Emmanuel Macron avait pourtant raison de dire que Philippe Pétain fut un « grand soldat ». Cela eût été à l’honneur de la République d’assumer officiellement cet hommage à l’Histoire et à la vérité, quoique la République eût à juger du chef de l’État Philippe Pétain. Continuer la lecture de « Justice et vérité : ces généraux qui dérangent »

Crémations : le jeu trouble des collectivités locales

Incinération ou enterrement ? Les Français font de plus en plus le choix de la crémation, malgré les objections de l’Église catholique mais avec les encouragements à peine voilés de certaines collectivités locales… Partout fleurissent de sinistres « jardins du souvenir », arguments écologiques tirés par les cheveux à l’appui.

SELON UNE ENQUETE IPSOS pour la Fondation des Services funéraires de la Ville de Paris, environ 60 % des Français optent pour la crémation plutôt que pour l’inhumation [1]. Une demande qui ne cesse de croître. En 1979, l’incinération représentait 1% des obsèques, en 2010, le nombre de crémations bondit à 30 % et un Français sur deux souhaitait être incinéré (Ifop-Pompes funèbres). Ils sont désormais largement majoritaires. Continuer la lecture de « Crémations : le jeu trouble des collectivités locales »

Droit d’asile et droit d’exil : que dit l’Église ?

Une pétition lancée par le sociologue Edgar Morin dans Le Monde demande aux responsables religieux d’ouvrir largement les lieux de culte aux migrants. Le droit d’asile en usage dans les églises au Moyen Âge n’était pas sanctuarisé comme dans les temples païens. Si on pouvait ne pas céder aux mythes de la pensée magique, ce serait bien.

D’OÙ VIENT LA TRADITION du droit d’asile ? Sous l’Antiquité, l’usage est répandu. Dans la Grèce ancienne, le privilège d’inviolabilité (a-sylos : « qui ne peut être pillé, violenté ») était reconnu aux lieux sacrés et à quiconque se trouvait en contact avec eux. Avec l’affaiblissement des croyances, un droit d’asile spécifique fut reconnu par convention à certains grands sanctuaires, mais les Romains étaient a priori hostiles à ce droit. Continuer la lecture de « Droit d’asile et droit d’exil : que dit l’Église ? »

Des crucifix dans les bâtiments publics en Bavière

Quel sens le crucifix peut-il avoir dans des bâtiments publics officiels ? La réponse donnée par le Bavarois Joseph Ratzinger : la croix est le signe que l’Etat n’a pas tous les pouvoirs.

LE CRUCIFIX n’est pas un « signe religieux », mais « l’expression de notre empreinte historique et culturelle » : c’est ainsi que le ministre-président de Bavière, Markus Söder, a justifié l’installation des crucifix dans les bâtiments appartenant à l’État bavarois. Il ne s’agit donc pas pour lui d’une atteinte à la neutralité de l’État, alors que les crucifix figurent déjà dans les écoles et les tribunaux, mais une « reconnaissance de son identité ». Continuer la lecture de « Des crucifix dans les bâtiments publics en Bavière »

Feu d’« artifices » sur Damas

De source diplomatique et militaire, décryptage des événements du jour en Syrie.

LE FEU D’ARTIFICE de cette nuit du 14 avril a été organisé après un accord tacite russo-américain. Après trois jours de discussions, et surtout après les menaces de Poutine de couler les navires américains tirant des missiles sur la Syrie au cas où ils toucheraient à un seul cheveu d’un soldat syrien, russe ou iranien, les « Alliés » ont décidé d’une frappe de communication. Celle-ci a été validée par les Russes. Continuer la lecture de « Feu d’« artifices » sur Damas »

L’Église et le droit de grève : un recours légitime, mais extrême

Faire pression en cessant de travailler ne peut jamais se justifier sans raisons graves. Revendiquer des droits dans les limites du bien commun, oui ; protéger des privilèges en prenant d’autres travailleurs en otage, non.

QUE DIT L’ÉGLISE DU DROIT DE GRÈVE ? Celui-ci est légitime s’il est « proportionné », après que toutes les possibilités d’éviter le conflit ont été tentées. Il faut surtout que la grève poursuive — pacifiquement — des objectifs liés aux seules conditions de travail relevant de la justice sociale et qu’ils ne soient pas contraires au bien commun. Dans son l’encyclique sociale Laborem exercens (LE), Jean Paul II précise que « les requêtes syndicales ne peuvent pas se transformer en une sorte d’“égoïsme” de groupe ou de classe » (LE, 20). Continuer la lecture de « L’Église et le droit de grève : un recours légitime, mais extrême »

Macron aux Bernardins et les vertiges du dialogue

Pour rendre service à la politique, l’Église doit se poser comme un interlocuteur lucide sur les manipulations de l’éthique de la discussion.

DEUX EVENEMENTS vont se télescoper aujourd’hui dans le monde catholique, en cette solennité de l’Annonciation — qui est aussi la fête de l’Incarnation : la publication de l’exhortation apostolique Gaudete et exsultate et en France, la rencontre entre le président Macron et le « monde catholique » au collège des Bernardins. Continuer la lecture de « Macron aux Bernardins et les vertiges du dialogue »