L’Église brûle : le christianisme va-t-il mourir ?

Emmanuel Tranchant a lu le dernier essai d’Andrea Riccardi, L’Église brûle, crise et avenir du christianisme (Cerf, 2022). Si le catholicisme est en crise, si son influence politique et culturelle est en recul, notamment en Occident, l’Église a de la ressource et 2000 ans d’expérience. Les graines semées par Jean Paul II, Benoît XVI et François en faveur d’une Église plus charismatique et moins bureaucratique, plus sacramentelle et plus enracinée, plus communautaire et populaire, est armée pour répondre à la quête spirituelle d’une humanité arrivée à la fin d’un monde.

POUR LES HIHILISTES, « la seule Église qui illumine est celle qui brûle ». Mais de ce slogan, tout chrétien connaît la vérité profonde : celle de l’attestation pascale au feu de l’Esprit. « L’Église, dit Benoît XVI appliquant à l’Église la symbolique de la Lune, est lumière et obscurité à la fois… simple amas de Pierres, elle ne brille que par son Hélios, le Christ » et pour Andrea Riccardi, le brasier de Notre-Dame éclaire le moment épiphanique de crise que connaît l’Église catholique à l’échelle planétaire. La sidération qui, à ce spectacle, a saisi le monde entier indique la profondeur de l’évènement et Riccardi en propose une analyse fécondée par une vaste expérience qu’il faut rappeler en quelques mots.

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Présidentielle 2022 : l’enjeu
du troisième tour

Interrogé par l’attraction du vote Zemmour qui réunit 15% d’intentions de vote chez les catholiques pratiquants réguliers (VP : 26% ; EM : 21% ; MLP : 15% ; JLM : 7%), je livre quelques réflexions personnelles sur le positionnement politique du fondateur du parti Reconquête et sur le véritable enjeu du scrutin pour dégager un critère de vote. En préalable, je rappelle quelques principes politiques pour guider, de mon point de vue, un vote catholique.


IL Y A DEUX MANIERES DE VOTER : de manière subjective, en se faisant plaisir, ou de manière objective, pour le bien commun. Le vote ne décide pas du bien et du mal, et voter seulement pour exprimer une opinion, une humeur ou un désir peut avoir des effets contraires à son bien politique, indissociable du bien commun.

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du troisième tour »

« Un catholique ne peut idolâtrer
ni diaboliser un candidat
ou une politique »

Interrogé par Politique magazine, je donne mon point de vue sur quelques enjeux de l’élection présidentielle 2022 et sur le vote catholique. 


IL N’Y A PAS DE VOTE CATHOLIQUE EVIDENT ni obligatoire. L’examen des programmes, la personnalité des candidats, l’enseignement de l’Église, la volonté de dégager le bien commun, autant de facteurs à prendre en compte qui empêchent de donner un mot d’ordre évident — sinon la nécessité de réfléchir et de s’engager. Pour Philippe de Saint-Germain, « un catholique ne peut idolâtrer ni diaboliser un candidat ou une politique ».

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ni diaboliser un candidat
ou une politique » »

Birthe Lejeune a achevé sa course

En hommage à l’infatigable épouse du professeur Jérôme Lejeune, retournée à Dieu ce 6 mai 2020 à l’âge de 92 ans, quelques souvenirs.

COMME MEMBRE de l’Association des amis de Jérôme Lejeune, et comme consultant associé aux travaux de la Fondation, je rencontrais parfois « Madame Lejeune ». À la vérité, elle s’y rendait chaque jour ou presque. La mission qu’elle se donnait : remercier personnellement tous les donateurs à l’oeuvre de la Fondation au service des chers petits trisomiques de son mari. « La grande famille. »

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Au père André Manaranche sj, RS pour l’éternité (+2020)

Quelques souvenirs, en témoignage de gratitude et de filiale affection pour le prêtre, le théologien et le routier scout, retourné à la Maison du Père le 12 avril 2020 à l’âge de 93 ans.

C’ETAIT UN PRETRE EXTRAORDINAIRE, totalement investi dans l’intelligence de la foi, avec la pauvreté du religieux sur la Route, dans la joie de l’Évangile et l’amour de l’Église. Je l’ai souvent rencontré comme « père spi » : nous nous retrouvions rue de Grenelle, après la messe de midi, et le déjeuner à la cantine des pères, où j’assistais aux disputatio de haute volée entre théologiens en désaccords très cordiaux, comme avec le P. Martelet ou le P. Madelin, qui lui aussi vient de retourner au Père.

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Les chrétiens doivent-ils rester les bras croisés ?

Dans un dossier sur les catholiques et la révolution, Famille chrétienne m’interroge sur le sens de l’action des chrétiens dans le monde. « Jésus a dit : “Mon Royaume n’est pas de ce monde.” Les chrétiens doivent-ils rester les bras croisés ? »


LA RÉPONSE À CETTE QUESTION est donnée par Jésus lui-même, que l’on trouve dans l’Évangile de Jean. Les chrétiens sont ceux que Jésus appelle « les hommes que son Père a pris au monde » pour les lui donner (Jn 17, 6). Ces hommes n’appartiennent plus au monde (Jn 17, 16) mais demeurent dans le monde (Jn 17, 11). Or Jésus ne prie pas son Père pour qu’ils attendent le Ciel comme s’ils devaient vivre dans une bulle provisoire : « Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais » (Jn 17, 15).

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Arnaud Beltrame :
un homme d’honneur

La France a rendu hommage au colonel Arnaud Bertrame. En donnant sa vie pour en sauver une autre, l’officier a suivi sa conscience. C’était un homme d’honneur. Pourquoi parle-t-on si peu de l’honneur aujourd’hui ?

HONNEUR. Il n’y a plus que les militaires pour parler de l’honneur. Dans son communiqué après la mort d’Arnaud Beltrame, le général Lecointre, chef d’état-major des armées, écrit à l’officier qui a donné sa vie : « Votre acte héroïque est emblématique des valeurs de notre engagement au service de la Nation, au premier rang desquelles l’honneur. » Continuer la lecture de « Arnaud Beltrame :
un homme d’honneur »

François Huguenin : « La laïcité a besoin du monde chrétien »

Dans Le Pari chrétien, François Huguenin s’interroge sur les conditions nouvelles dans lesquelles les chrétiens affrontent leur responsabilités politiques. Comment être une minorité créatrice, influente, dans un monde qui a cessé d’être chrétien ? La réponse tient dans ce paradoxe : c’est dans leur distance à l’égard du pouvoir que se trouve leur véritable puissance politique. Mon entretien avec lui publié par Causeur.

Philippe de Saint-Germain — Dès l’origine, le christianisme s’est pensé comme une religion « dans le monde mais non pas du monde ». Comment ce monde en France a-t-il cessé d’être chrétien ?

François Huguenin. — C’est une longue histoire, à l’évolution complexe, et qui remonte au moins au XVIIe siècle. Ce qui est entièrement nouveau, c’est que la déchristianisation va de pair aujourd’hui avec la perte des valeurs communes. Non seulement la société n’est plus chrétienne, mais la morale — qui n’est pas religieuse en elle-même — n’est plus universelle au sens où elle ne constitue plus un point de rencontre entre chrétiens et non-chrétiens. Pendant des générations, la pratique religieuse a diminué, mais la conscience collective restait de « marque » chrétienne, pour reprendre l’expression de Pierre Manent. De nos jours, les chrétiens pratiquants ne représentent guère plus de 4 à 5% de la population, et la majorité des Français qui persistent à se dire catholiques ne vit plus comme dans une société moralement ou culturellement chrétienne. Continuer la lecture de « François Huguenin : « La laïcité a besoin du monde chrétien » »

RD-Congo : « L’Église catholique
engage le bras de fer avec le pouvoir »

EN RD-Congo, l’Église catholique a pris la tête de l’opposition au régime de Joseph Kabila. Ce dimanche 21 janvier, un collectif catholique appelle à une grande manifestation contre la dictature. J’ai interrogé pour Aleteia le journaliste Laurent Larcher, qui couvre l’Afrique au service Monde du quotidien La Croix, sur la situation. Il explique pourquoi l’Église s’engage ouvertement dans la dissidence politique.

La République démocratique du Congo (RD-Congo) s’enfonce dans la crise. Des massacres ont été signalés au centre du pays. À Kinshasa, les manifestations contre le gouvernement s’enchaînent sans discontinuer mais sont violemment réprimées. Les catholiques se sont imposés comme le fer de lance de l’opposition au régime, avec le soutien de Rome et des puissances occidentales : que demande l’Église au gouvernement congolais ?

Laurent Larcher. L’Église demande l’application de l’accord que le gouvernement a signé, sous l’égide de la Conférence épiscopale nationale congolaise (Cenco), avec l’opposition, le 31 décembre 2016. Le gouvernement s’était engagé à mettre en place une transition politique, en attendant l’organisation d’élections présidentielles, législatives et communales d’ici à la fin de 2017. Un an plus tard, rien n’a été fait. Continuer la lecture de « RD-Congo : « L’Église catholique
engage le bras de fer avec le pouvoir » »

Pape François : « Il nous faut réhabiliter la dignité de la politique »

Le pape dit sa déception face à « l’insignifiance » des catholiques en politique en Amérique latine, faute de « cohérence » mais aussi de soutien des pasteurs, enfermés dans leur « cléricalisme ».

Dans un message vidéo adressé à des laïcs exerçant des responsabilités politiques réunis en congrès à Bogota (Colombie), le pape François a encouragé les catholiques à assumer pleinement leurs engagements. Dans son style habituel, direct et concret mais sans concession, il les invite à sortir des sacristies pour servir le bien commun. Leur mission ? Rétablir la dignité de la politique, en donnant l’exemple de la patience et de la compétence. Voici ma traduction du texte intégral de son intervention, publiée par « Aleteia« .

« DEPUIS LE PAPE PIE XII jusqu’à aujourd’hui, les papes successifs ont toujours fait référence à la politique comme “la plus haute forme de charité”. La formule pourrait également se traduire comme le service inestimable du dévouement au bien commun de la société. Continuer la lecture de « Pape François : « Il nous faut réhabiliter la dignité de la politique » »