Dans Le Pari chrétien, François Huguenin s’interroge sur les conditions nouvelles dans lesquelles les chrétiens affrontent leur responsabilités politiques. Comment être une minorité créatrice, influente, dans un monde qui a cessé d’être chrétien ? La réponse tient dans ce paradoxe : c’est dans leur distance à l’égard du pouvoir que se trouve leur véritable puissance politique. Mon entretien avec lui publié par Causeur.
Philippe de Saint-Germain — Dès l’origine, le christianisme s’est pensé comme une religion « dans le monde mais non pas du monde ». Comment ce monde en France a-t-il cessé d’être chrétien ?
François Huguenin. — C’est une longue histoire, à l’évolution complexe, et qui remonte au moins au XVIIe siècle. Ce qui est entièrement nouveau, c’est que la déchristianisation va de pair aujourd’hui avec la perte des valeurs communes. Non seulement la société n’est plus chrétienne, mais la morale — qui n’est pas religieuse en elle-même — n’est plus universelle au sens où elle ne constitue plus un point de rencontre entre chrétiens et non-chrétiens. Pendant des générations, la pratique religieuse a diminué, mais la conscience collective restait de « marque » chrétienne, pour reprendre l’expression de Pierre Manent. De nos jours, les chrétiens pratiquants ne représentent guère plus de 4 à 5% de la population, et la majorité des Français qui persistent à se dire catholiques ne vit plus comme dans une société moralement ou culturellement chrétienne. Continuer la lecture de « François Huguenin : « La laïcité a besoin du monde chrétien » »