À QUATRE-VINGT-TREIZE ANS, le grand-père du poète israélien Amos Oz convoqua son petit-fils dans son bureau : « Il est temps que nous parlions de la femme. » Jetant un œil circulaire comme pour vérifier qu’ils étaient bien seuls, l’aïeul reprit : « Ce que j’ai appris, je voudrais t’en instruire aujourd’hui. Fais bien attention à ce que je vais te dire. La femme, sur certains plans, elle est exactement comme nous. Pareille. Absolument. Mais sur d’autres points, elle est complètement différente. Pas du tout la même. » Après un silence, un sourire illumina son visage : « Mais quoi ? Sur quels plans la femme est-elle exactement comme nous et sur quels autres est-elle très différente ? » Il conclut en se levant : « J’y travaille encore [1]. »
C’est ce mystère, Mesdames, Mesdemoiselles, que nous allons célébrer le 8 mars, Journée internationale de la femme. Enfin, je croyais. Renseignement pris, en effet, l’objet de cette Journée programmée par l’ONU est bien plus grave. Le thème officiel est : « L’heure est venue : les activistes rurales et urbaines transforment la vie des femmes. »
Ça ne rigole plus, en effet. Explication : « Dans le monde entier, des personnes se mobilisent, protestant contre le harcèlement sexuel et la violence. La Journée internationale des femmes 2018 est l’occasion de transformer cette dynamique en action, de favoriser l’autonomisation des femmes dans tous les contextes et de célébrer les activistes qui travaillent sans relâche à revendiquer les droits des femmes et à réaliser leur plein potentiel. »
Mesdames, célébrez votre « autonomisation », saluez le dévouement des femmes engagées contre la violence. Mais par pitié, ne cédez pas à la logique de ce féminisme en lutte qui pense le monde comme une bataille rangée entre forces rivales, forcément rivales. Réduire votre identité de femme à l’exercice d’un pouvoir en milieu hostile serait une reddition. Votre supériorité, Mesdames, mérite mieux. Le 8 mars, gardez votre mystère.
Paru dans Aime n°12, 5 mars 2018.
[1] Extrait de Une histoire d’amour et de ténèbres, cité par le philosophe Philippe Bénéton in Le Dérèglement moral de l’Occident, Cerf, 2017.