Législatives : ne pas se tromper d’adversaires

Le bon vote est le vote pour le bien commun. Considérer que le bien commun est supérieur à ses « convictions » ou à ses « valeurs » est un exercice parfois difficile. C’est admettre que la politique n’est pas le lieu de l’affrontement entre le bien et le mal, mais le théâtre du meilleur possible, dans une réalité complexe. Bien voter, c’est bannir l’esprit de parti et les ambitions mal placées qui divisent au lieu de construire.

EN PERIODE TROUBLEE, le Français a une solution : moi ou le chaos. Cela donne 7.882 candidats aux législatives pour 577 places, soit 14 candidats par circonscription. Des hommes et des femmes courageux, au dévouement incontestable, certes, mais dont le nombre soulève un malaise.

Le résultat est dans les pronostics : 45 % des Français ne veulent pas donner les pleins pouvoirs à Emmanuel Macron, mais 30 % des électeurs s’apprêtent à lui donner une majorité écrasante (plus ou moins 350 sièges) grâce à la dispersion de tous les autres.

La cause profonde de cette aberration démocratique est dans le vide de la pensée qui affaiblit le sens du bien commun. Cela finit toujours par entraîner une fragmentation des forces à l’infini. Si l’on n’y prend pas garde, une grande partie des suffrages va s’éparpiller dans le choix de candidats de figuration, à l’ambition imprudente, qui peuvent priver de victoire les candidats de rassemblement comme dans mon département François-Xavier Bellamy (1e) ou Jean-Frédéric Poisson (10e), seuls capables de s’opposer au Parlement à Emmanuel Macron, et d’amorcer un travail de reconstruction [1].

Le grand adversaire du bien commun, c’est l’esprit de parti qui trompe sa clientèle dans les illusions d’une lutte permanente des forces du bien contre les forces du mal. Ce manichéisme d’un autre âge, dans la plus pure tradition marxiste, fuit tout simplement la réalité [2].

À qui profite le crime ? Au grand parti unique de la République en marche, ce parti minoritaire mais dominateur de la Grande Confusion, plus à droite que la gauche, plus à gauche que la droite, dont la puissance molle sera l’objet de toutes les manipulations de la part de l’exécutif. Chaque Français raisonnable ferait bien d’y songer avant de mettre son bulletin au fond des urnes. En se souvenant que le mieux est l’ennemi du bien et que la politique est l’art du meilleur possible.

 

 

Sur ce sujet :
Vote utile ou vote de conviction ? (Conscientia, 20 avril 2017)

[1] Il ne suffit pas d’être « hors parti » pour être sans « esprit de parti » et parfois, l’esprit de parti est plus fort dans les petits partis que dans les grands. De nombreux candidats investis par un parti sont d’abord des candidats libres et qui l’ont prouvé. Je ne peux pas les citer tous, mais parmi eux : Anne Lorne (1e Rhône), Miren de Lorgeril (1e Aude), Roland Hureaux (2e Lot), Maxence Henry (2e Maine-et-Loire), Charles d’Anjou (10e Seine-Maritime), Xavier Breton (1e Ain), Nicolas Dhuicq (1e Aube), Bertrand Ract-Madoux (1e Drôme) et bien d’autres encore… Dans certaines configurations, comme cette année lorsque la circonscription est détenue par la gauche, les candidats hors partis peuvent être légitimes à tenter leur chance, a fortiori s’ils s’engagent à jouer le jeu du désistement, comme par exemple Vincent You (1e Charente).

[2] La logique de parti a parfois des ambitions plus prosaïques, par exemple en présentant des candidats uniquement pour lever des fonds, sans considération du bien commun local : chaque voix recueillie rapporte en effet 1,42 € aux partis ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions.

1 réflexion sur « Législatives : ne pas se tromper d’adversaires »

  1. Oui et non!…

    Le nombre élevé de candidats est plutôt un signe de vitalité de notre démocratie, en dépit de tout, dans une période de révolution copernicienne voulue par le peuple. Bien sûr, les opportunismes ne sont pas absents.
    Jean-Frédéric Poisson – un homme que je respecte globalement malgré quelques fautes impardonnables -, un « candidat de rassemblement »? J’éclate de rire. Qu’est-ce qui ferait qu’il le serait dans une circonscription, vu son score à la primaire?
    Bien d’accord sur tout ce que vous dites sur « l’esprit de parti ».
    Cela même que De Gaulle et la Ve République ont voulu contenir, et même si on imagine difficilement se passer de partis politiques…
    Que les Français en aient assez est une évidence.
    Ils l’ont dit avec force à la Présidentielle.
    Ils approuvent la volonté de « casser les codes » d’Emmanuel Macron et s’apprêtent à le dire fort lors de ces législatives.
    Macron nous propose, dans l’esprit, un mélange insolite de gaullisme et de centrisme.
    Bien plus fort que le Giscard de 1974, nonobstant la similitude de profils!
    Reste à voir si ses fidèles et lui garderont l’esprit de ce qui les a conduit à la victoire.
    Les chrétiens engagés en politique feraient bien de réfléchir.
    La substance de la Chrétienté, ce n’est certainement pas Sens commun, qui a exaspéré les Français par ses excès.
    Ce n’est sûrement pas de se positionner à la droite de la droite, si près de l’extrême, en ayant hésité entre Sarko et Fillon, puis soutenu jusqu’au bout et sans état d’âme l’insoutenable au delà du crédible.
    Mutatis mutandis, Le Christ était incontestablement ce qu’on appellerait aujourd’hui un homme de gauche.
    Il y a d’ailleurs de nombreux chrétiens de gauche sincères et authentiques, qui ont du très mal vivre tous ces évènements….
    « Tu aimeras ton prochain! »
    On a pourtant parfois presque revu l’Inquisition, voire le vichysme ces derniers temps…
    Alors, du calme, de l’esprit démocratique, du respect pour le peuple de France et la volonté générale qui s’expriment dans la difficulté, mais avec une dignité qu’on n’avait pas vue depuis longtemps!

Répondre à Jacques-André Schneck Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *