UNE ANNÉE après sa parution, une note de la Conférence des évêques sur la rédaction des actes de baptême revient sur le devant de la scène, à la suite d’incompréhensions venues d’interprétations abusives. La note, signée par Mgr Joseph de Metz-Noblat, évêque de Langres, suggère que les nouveaux formulaires pour l’enregistrement des actes de baptême ne comprennent plus les mentions de « père », de « mère » ni de « fils » et « fille » pour tenir compte de « la situation de plus en plus complexe des familles ». Que faut-il retenir et comprendre de cette volonté de changement ? La doctrine de l’Église sur le baptême et le mariage aurait-elle changé ? Pour saisir le sens de cette recommandation, il faut revenir au sens du baptême et aux conditions requises pour qu’un enfant soit baptisé.
Pourquoi cette recommandation ?
Président du Conseil pour les questions canoniques, Mgr de Metz-Noblat répond aux difficultés signalées par de nombreuses chancelleries diocésaines, chargées de l’enregistrement des actes de baptême. Les familles qui le demandent sont de plus en plus nombreuses à vivre dans des configurations particulières. Le cas évoqué est celui des « parents » de même sexe. Canoniquement, le baptême d’un enfant ne peut pas être refusé (can. 843). Il n’y a qu’une seule condition : l’engagement des parents ou de ses responsables légaux à donner à l’enfant une éducation catholique.
Où est la difficulté ?
Pour être baptisé, un enfant doit être présenté par au moins l’un de ses parents. « Pour qu’un enfant soit baptisé licitement, dit le Code de droit canonique, il faut que les parents y consentent, ou au moins l’un deux, ou ceux qui tiennent légitimement leur place » (can. 868, 1). Dès lors plusieurs difficultés peuvent se présenter. Le curé de la paroisse sollicité pour faire baptiser l’enfant doit s’assurer de l’authenticité du lien parental entre l’enfant présenté et les personnes qui le présentent. Si par exemple les parents de l’enfant sont séparés, l’un d’entre eux peut s’opposer au baptême. L’un des parents pourrait s’estimer trompé par l’Église si l’enfant est baptisé à son insu.
Indépendamment de la nature du lien matrimonial des parents (mariés, pacsés, vie maritale…), la situation peut être vite compliquée. Il appartient à l’autorité de l’Église chargée d’accorder et d’enregistrer le baptême de prendre en compte toutes les situations possibles en préservant les conditions du baptême : l’accueil de l’enfant, la reconnaissance et la volonté d’au moins l’un de ses parents ou responsable légal, sans opposition d’un tiers également responsable. « L’Église, explique le Fr. Thomas Michelet, professeur à l’Angelicum, a toujours pris en compte de telles situations délicates. On a toujours fait des baptêmes d’enfants de filles-mères, voire de prostituées, même si cela a toujours fait question pour ceux qui voyaient là les “enfants du péché”. Le péché des parents ne rejaillit pas sur les enfants. Baptiser un enfant ne conduit pas à porter un jugement sur la situation matrimoniale de ses parents. C’est avant tout un “enfant du Bon Dieu”. Il est confié à des parents pour son éducation, mais il appartient d’abord à Dieu, et par le baptême, il deviendra un “enfant de l’Église” ».
Quelles sont les formulations proposées ?
La rédaction de l’acte du baptême doit prendre en compte la situation familiale telle qu’elle est requise, non au regard du mariage et de sa validité (naturelle ou sacramentelle), mais pour le baptême lui-même. La situation du lien matrimonial des parents n’a pas de conséquence directe sur le baptême, pas plus que l’identité du titulaire de l’autorité parentale. La priorité est le baptême de l’enfant, donc l’accueil des responsables juridiquement reconnus à cette fin. Selon la formule proposée par la note, les noms et prénoms de ces derniers ne sont plus indiqués comme « père ou mère », mais comme ceux des « parents ou autres titulaires de l’autorité parentale », suivis de leurs mentions d’état civil. En outre, si la mention « père » et « mère » ne figure pas sur le registre, rien n’empêche de le préciser après le nom de chaque parent, comme l’a expliqué de Mgr de Metz-Noblat. L’intérêt de la proposition est de pouvoir répondre à tous les cas de figure, y compris celle d’un tuteur, par exemple, sans obérer la filiation naturelle.
Quelle est la véritable question ?
La véritable question n’est pas l’aménagement d’un formulaire inchangé depuis 1994, mais l’application des conditions requises pour accorder le baptême aux parents ou tuteurs d’un enfant qui en font la demande. Ces conditions ne changent pas, pas plus que l’enseignement de l’Église sur le mariage. Quelles sont ces conditions ? Les parents ou les responsables légaux d’un enfant qui demandent le baptême doivent s’engager à l’élever dans la foi, la grâce baptismale se déployant après le baptême. L’aide des parents (et des parrains) devenant ici une véritable fonction ecclésiale (CEC, 1254-1255). Le curé sollicité pour administrer le sacrement doit s’assurer qu’il y ait donc un « espoir fondé que l’enfant sera éduqué dans la religion catholique » (can. 868, 2). Si cet espoir « fait totalement défaut », le curé doit différer le baptême.
C’est assurément cette exigence qui est la plus difficile à recevoir aujourd’hui, que les parents soient mariés ou non. Si le lien marital des responsables de l’enfant n’est pas conforme aux conditions du mariage reconnues par l’Église, il est légitime de s’interroger sur leur véritable intention. C’est au curé en charge de l’accueil des personnes demandant le baptême de s’assurer qu’il y a un « espoir fondé » d’une éducation dans la religion catholique. Dès lors, de deux choses l’une : ou bien les responsables de l’enfant déclarent ne pas adhérer à l’enseignement de l’Église sur le mariage, auquel cas ils ne peuvent pas obtenir le baptême demandé et la question de la rédaction de l’acte ne se pose pas ; ou bien il existe un « espoir fondé » que les personnes demandant le baptême donnent une éducation catholique à l’enfant, même imparfaite et quelle que soit leur situation conjugale (qui peut évoluer), et la souplesse proposée dans la rédaction des actes de baptême peut contribuer à faciliter la démarche, sans toucher à la licéité du baptême[1].
L’objectif est bien pastoral : ne rien faire qui puisse bloquer un baptême, si ses conditions sont remplies. Les actes du baptême ne sont pas les actes du mariage. « Si nous croyons vraiment que Jésus nous ouvre les portes du Ciel, a prêché Mgr Michel Aupetit ce 12 janvier, il est grave et inconséquent de ne pas faire du baptême une priorité pour nos enfants. »
Quelle est l’autorité de cette recommandation ?
La note signée par le président du Conseil pour les questions canoniques a été élaborée avec la commission de réforme des actes administratifs de l’Église de France et la commission de pastorale liturgique et sacramentelle. Elle a été approuvée par le conseil permanent de la Conférence épiscopale, puis adressée à tous les évêques de France. Ces derniers sont libres d’adopter ou non ces nouveaux actes de baptême dans leur diocèse, ou même de proposer les deux formulations, l’ancienne ou la nouvelle. D’après La Croix, la chancellerie d’un diocèse du nord de la France a renoncé aux nouveaux formulaires après les avoir acceptés, jugeant que « les notions de père et de mère n’étaient plus suffisamment prises en considération ». Dans le diocèse de Rouen, rapporte Le Figaro, les responsables paroissiaux chargés de l’enregistrement des actes — les « notaires » — ont fait savoir qu’il est préférable de conserver les mentions de père et de mère.
Publié par Aleteia, 21 janvier 2020.
[1] Dans « espoir fondé », remarque le Fr. Michelet, « on parle d’espoir établi sur un fondement objectif solide face à un espoir qui fait totalement défaut. Mais entre les deux ? Un espoir pas entièrement fondé n’est pas une absence d’espoir. Seule l’absence d’espoir peut différer le baptême. Mais seul l’espoir fondé le rend licite. Entre les deux, il semble qu’il ne soit ni licite de le différer, ni licite de le pratiquer. Cette zone grise est laissée à l’appréciation pastorale et non l’objet d’une règle ».