QUAND UN GENOCIDE qui ne peut pas encore dire son nom est décidé contre l’être le plus vulnérable, le plus faible, le plus originel et le plus originaire qui soit, il ne peut l’être par définition qu’avec le consentement tacite du plus grand nombre qui participe de son intimité même. L’historien Götz Aly (Comment Hitler a acheté les Allemands : Le IIIe Reich, une dictature au service du peuple, Flammarion, 2005) l’avait montré à propos de la « loi T4 »[1].
Il faut donc qu’il soit proposé par la personne la plus respectable qui soit, elle-même victime d’un autre processus génocidaire. C’est bien le moins. C’est ce qui permet de draper l’opinion publique dans sa respectabilité aveugle, c’est ce qui permet au corps social de se mentir à lui-même avec la meilleure bonne conscience du monde.
Peu importe que la loi Veil vous expose aujourd’hui à la rigueur des tribunaux depuis qu’une Rossignol vous fait chanter si vous vous aventurez dans l’objection de conscience assimilée à un « délit d’entrave ». Peu importe aussi que Simone Veil n’ait pas cautionné le mariage gay. Le sens de l’histoire et du progrès a parfois des coups de fatigue. Il lui sera beaucoup pardonné pour cette incartade réactionnaire d’autant qu’elle a eu la bonne idée de mourir au moment opportun. La mémoire d’un mort permet de lui faire dire ce qu’il ne peut plus démentir.
Droit à l’enfant
Il est très important d’honorer la mémoire de Simone Veil au moment où est décrétée la marchandisation de l’enfant par la PMA en faveur de personnes du même sexe. Il est très important de rappeler que l’embryon qui n’est qu’un « amas de cellules », comme chacun sait, puisse devenir un droit magique à l’enfant au nom du droit subjectif à la chose même et il est important aussi que des Lebensborn y pourvoient en Inde (pays des Aryens d’après une certaine idéologie aujourd’hui périmée) dans le cadre d’une mondialisation marchande qui jadis mit fin à la traite esclavagiste et qui aujourd’hui la rétablit au détriment de l’embryon humain, comme le rappela le député antillais Bruno-Nestor Azerot.
Il est très important que tout change pour que rien ne change quant à la nature de l’homme qui est lâche et conservateur comme il se doit quand il agit contre lui-même en croyant agir pour son bien. Simone Veil a bien servi et même trop servi à tout cela. Il lui sera beaucoup et même trop pardonné ici-bas.
Jean Chaunu est historien. À lire aux éditions F.-X. de Guibert, Christianisme et Totalitarismes en France dans l’entre-deux-guerres (1930-1940) : Tome 1, Esquisse d’un jugement chrétien du nazisme (2008) ; Tome 2, Le paradigme totalitaire (2009) ; Tome 3, La chrétienté paradoxale (2010).
[1] Voir aussi Les Anormaux : Les meurtres par euthanasie en Allemagne (1939-1945), Flammarion, 2014.