Ecologie : des papes antimodernes

A propos de Thomas Michelet op, Les Papes et l’Ecologie (Artège).

POUR DECOUVRIR la pensée de l’Église sur l’écologie, ce livre du dominicain Thomas Michelet fera référence. Depuis cinquante ans, les papes parlent d’écologie. En 1970, Paul VI craint déjà une « catastrophe écologique », et l’inventeur de « l’écologie humaine » est assurément saint Jean Paul II, même si le peuple de Dieu est écologique depuis… la Genèse. Le Fr. Thomas Michelet a choisi comme ouverture de son recueil la constitution Gaudium et Spes de Vatican II, qui n’est pas un texte pontifical au sens strict, mais bien un « point de départ » prophétique, selon le mot du cardinal Turkson, de la réflexion contemporaine de l’Église sur l’écologie.

Faut-il le rappeler ? Le discours écologique de l’Église se comprend dans la vision chrétienne de la relation de l’homme à Dieu à travers la nature et la Création. La prise de conscience contemporaine de « l’urgence écologique » est ainsi bien vue par les catholiques, qui y voient un ébranlement du mythe de la toute-puissance du progrès, de la science et de la consommation à outrance, ce que le pape François appelle dans Laudato si’ le « paradigme technocratique ».

Mais il y a une méprise dans ce retour au respect de la nature, à travers la recherche d’une certaine sobriété morale, car elle ne met pas fin au subjectivisme de la Modernité, et au refus persistant des lois morales universelles inscrites dans la nature humaine, et dont l’écologisme politique est souvent le plus farouche militant ! D’où l’intérêt particulier de se plonger dans l’enseignement complet de l’Église sur la question pour en saisir la lumière et la cohérence, car « tout est lié ».

Cinquante ans, cinquante textes

L’ouvrage rassemble pour la première fois cinquante textes pontificaux sur l’écologie, de Paul VI à François. Un guide de lecture oriente la sélection des textes à retenir, selon ses recherches, en proposant les documents les plus élaborés, comme par exemple les Messages du 1er janvier de 1990 (Jean-Paul II) et de 2010 (Benoît XVI).

Même si le texte le plus abouti est l’encyclique Laudato si’ (qui figure intégralement dans le livre), ses clés de lecture se trouvent dans l’ensemble du magistère, et notamment dans les encycliques précédentes qui actualisent l’anthropologie chrétienne et la doctrine sociale de l’Église. Un classement des textes est proposé selon les destinataires (par exemple en direction du monde diplomatique ou de la jeunesse) ou pour guider une approche plus spirituelle, l’Église appelant à une « conversion écologique » qui doit donc être d’abord personnelle et morale.

Le Fr. Michelet montre bien que ce discours des papes n’est pas tant écologique que social, et que la doctrine sociale de l’Église, qui demeure avant tout éthique et anthropologique — même s’il est admis davantage aujourd’hui qu’elle ressortit de la théologie —, s’inscrit toujours dans l’histoire de l’humanité et que si son enseignement progresse de manière homogène, il affronte les « questions du temps », les res novæ.

Une écologie sociale

La doctrine sociale répondit d’abord à la « question ouvrière », puis à la « question du développement » avec la voie du développement humain intégral. Une troisième génération de textes sociaux voit le jour, explique le dominicain, en ajoutant une dimension supplémentaire à la justice sociale, non plus seulement géographique (la mondialisation), mais temporelle avec la question du droit des générations futures. « On passe ainsi du développement intégral à l’écologie intégrale. »

Pour le théologien, la question écologique « change la donne » : la doctrine sociale de l’Église ne peut plus se limiter à l’homme, mais doit intégrer le cosmos, qui relève de la dogmatique. Les Modernes ne croyaient plus dans le fondement naturel du droit. Les postmodernes ont réduit la nature humaine à une pure abstraction. « La question écologique oblige à reconnaître qu’il y a un ordre naturel des choses, que le cosmos est porteur d’un logos. »

Ainsi l’on voit que l’écologie chrétienne est bien antimoderne. Un philosophe comme Frédéric Rouvillois (La Clameur de la terre, les leçons politiques du pape François, J.-C. Godefroy) l’a exposé aussi de manière très claire. La récupération du discours écologique de l’Église dans le but de soutenir les politiques très malthusiennes et réductrices de l’écologisme officiel fait donc l’impasse sur la critique des éléments constitutifs des dogmes de la pensée dominante : le relativisme moral et l’anthropocentrisme dominateur. Difficile donc de soutenir une écologie cohérente — intégrale — sans le secours des papes.

 

 

 

michelet_papesThomas Michelet, op
Les Papes et l’Écologie
De Vatican II à Laudato si’
Artège, 2016, 595 p., 23,95 €

rouvillois-clameurFrédéric Rouvillois
La Clameur de la Terre
Les leçons politiques du pape François
J.-C. Godefroy, 2016, 124 p., 12 €

 

 

 

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