« La doctrine sociale de l’Église à deux pattes »

Le DoCat, catéchisme de la doctrine sociale de l’Église pour les jeunes, a été présenté lors des JMJ de Cracovie. Dans sa préface, le pape François le présente comme « un guide formidable pour l’agir chrétien ». En France, pour l’instant, c’est silence radio quasi-total : dommage…

« LA DOCTRINE SOCIALE de l’Église à deux pattes », c’est ainsi que le pape François, jamais avare d’une formule iconoclaste, « rêve » du million de jeunes chrétiens qui se lèvera pour vivre la doctrine sociale auprès de tous leurs contemporains. C’est pour les y aider que le pape a confié au cardinal Schönborn, le maître d’œuvre du catéchisme de l’Église catholique (CEC) publié sous l’autorité de saint Jean Paul II, de mettre en œuvre la version « doctrine sociale » du YouCat, cet excellent catéchisme pour les jeunes de 18 à 30 ans qui a été distribué aux pèlerins des JMJ de Madrid.

L’objectif de cette version pratique et sociale du YouCat, est donné par le pape : « Aider par le biais de l’Évangile à d’abord nous changer nous-mêmes, pour ensuite changer notre entourage immédiat, et au final (sic) changer le monde entier. » Ce travail a été réalisé par des Autrichiens et des Allemands, laïcs engagés et théologiens, dans un style direct mais équilibré, sans les précautions que l’on rencontre fréquemment dans l’univers feutré du « christianisme social » à la française, volontiers consensualiste.

Que faire ?

Vivre dans le monde en chrétien de manière cohérente avec sa foi n’est pas facile, a fortiori quand on fait l’expérience de la pression du prêt-à-penser et de l’égoïsme d’une société violente, injuste et libertaire qui n’a que le mot « valeur » à la bouche. Un tel monde où l’économie productiviste enrichit tout autant qu’elle exclut, où les personnes âgées sont mises à l’écart, où les campagnes se dépeuplent, où des peuples entiers sont maintenus dans la pauvreté, doit d’abord se comprendre pour être changé. Le DoCat guide les jeunes dans la formation de leur conscience avec la sagesse de l’Église pour devenir des chrétiens adultes, c’est-à-dire libres, généreux et efficaces.

Le DoCat reprend le principe et la méthode du YouCat : des questions/réponses comme les catéchismes de naguère mais rédigées de manière inductive et vivante, avec de nombreuses références, offrant des repères et des réponses concrètes, simples, à tous les jeunes chrétiens qui se demandent « que faire ». Pour changer le monde, il faut d’abord se changer soi-même, c’est dit et bien dit : « Tout changement commence dans le cœur de l’homme » (18). La doctrine sociale de l’Église n’est pas un système, un catalogue ou un programme, c’est une « orientation pour l’action » disait Jean Paul II, qui disait aussi : « La marque du réalisme chrétien est la conviction que les grandes métamorphoses sociales sont le fruit de petits choix courageux, accomplis chaque jour. »

La structure du Compendium

La structure du DoCat reprend celle du Compendium de la doctrine sociale de l’Église paru en 2005, sous une formulation moins académique mais fidèle, pour impliquer personnellement le lecteur : « Le grand projet de Dieu, l’amour (1-21) » ; « Ensemble, plus forts : l’Église et le fait social (22-46) » ; « Unique et infiniment précieuse : la personne humaine (47-83) » ; « Bien commun, solidarité, subsidiarité : les principes de la doctrine sociale (84-111) » ; « Le fondement de la société : la famille (112-133) » ; « Profession et vocation : le travail de l’être humain (134-157) » ; « Prospérité et justice pour tous : l’économie (158-194) » ; « Pouvoir et morale : la communauté politique (195-228) » ; « Un monde, une humanité : la communauté internationale (229-255) » ; « Préserver la création : l’environnement (256-269) » ; « Vivre en liberté et sans violence : la paix (270-3014) » ; « L’engagement personnel et communautaire : réaliser l’amour (305-328) ».

Les thèmes sont simplifiés, jamais édulcorés. Chaque réponse renvoie à des références dans l’Écriture, dans le Compendium, dans le CEC et le YouCat. De nombreuses citations, aussi bien religieuses que profanes, éclairent les sujets abordés, montrant en quoi la doctrine sociale est fondée en raison, même si celle-ci est éclairée par la foi. Des « zooms » sur certaines problématiques actuelles regroupent des thèmes particuliers : les médias, la personne et la bioéthique, la recherche scientifique et ses abus… Chaque chapitre se conclut par des extraits des documents de référence de la doctrine sociale : encycliques, textes pontificaux. Un index par mots-clés et par noms permet de se diriger rapidement. Les auteurs les plus cités sont Benoît XVI, Jean Paul II, le pape François et sans surprise, saint Thomas d’Aquin.

Affrontant tous les aspects de la vie, depuis les plus intimes jusqu’aux problématiques mondiales, le DoCat n’évite aucune question qui fâche, à la fois pour saisir la complexité des situations et donner l’éclairage de l’Église sur des choix auxquels chacun peut être confronté : « Le souhait d’avoir des enfants fait-il partie intégrante du mariage (127) ? » « Qu’est-ce qu’un revenu juste (155) ? » « Pourquoi la résistance est-elle légitime dans des cas de conscience (218) ? » « Pourquoi les flux migratoires sont-ils problématiques (248) ? » « Quels sont les critères de la légitime défense (290) ? » « Les chrétiens peuvent-ils participer à des manifs publiques (322) ? »

Un outil de travail

Incontestablement, certaines formulations sont un peu rapides : est-il suffisant de définir l’éthique comme une « réflexion sur les valeurs, inspirée par la conscience morale des valeurs » (p. 193) ? Peut-on dire que « la démocratie est supérieure à la monarchie parce qu’elle suit une autre éthique » (206) ? C’est la limite de ce genre de manuel de vulgarisation aux multiples entrées, d’accès facile, mais qui ne peut être bien compris que s’il est maîtrisé dans son ensemble. D’ailleurs la YouCat Foundation à l’origine du projet, encourage la constitution de groupes de travail autour du livre, pour apprendre à en tirer le meilleur.

Le but du YouCat, c’est bien de soutenir l’action, l’engagement. Discuter sous les arbres, c’est bien dit le pape, mais la doctrine sociale à deux pattes, c’est mieux. Pour affronter l’obscurité des périphéries — « jusqu’au beau milieu de la crasse », tous les baptisés sont appelés à devenir « des torches qui éclairent le chemin des hommes ».

 

 

 

DoCat – Que faire ?docat_une
Bayard, Fleurus-Mame, Cerf, 2016
320 pages, 20 €

 

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