Syrie : les Français reconstruisent les églises

Retour de Syrie, de Homs à Maaloula, avec le diocèse de Fréjus-Toulon et l’association SOS-Chrétiens d’Orient.

OUI, c’est une formule, mais le geste est réel. À Homs, dans la cathédrale dévastée par les rebelles “modérés” d’Al Nosra, des Français participent symboliquement à la reconstruction de l’édifice. Derrière le symbole, il y a un engagement de plus en plus généreux et courageux envers nos frères chrétiens de Terre Sainte, comme celui du diocèse de Fréjus-Toulon, jumelé avec celui de Homs, et la jeune association SOS-Chrétiens d’Orient.

Homs, 31 mars 2016. Mgr Dominique Rey inaugure la restauration de la cathédrale Notre-Dame de la Paix, dévastée par les rebelles "modérés" d'Al-Nosra.
Homs, 31 mars 2016. Mgr Dominique Rey inaugure la restauration de la cathédrale Notre-Dame de la Paix, dévastée par les rebelles « modérés » d’Al-Nosra.

Cet engagement, réveillé par les circonstances, s’inscrit dans une longue histoire, à laquelle les Syriens croient toujours. C’est le message de Sa Béatitude Grégoire III Laham, patriarche de l’Eglise gréco-catholique melkite, un pasteur de 84 ans au charisme extraordinaire : « Dites à la France, peuple, Église, gouvernement, que la Syrie aime la France, et que la Syrie a toujours besoin de l’amour de la France. »

Au pays du baptême de saint Paul, pendant une semaine, j’ai vu la souffrance et l’espérance, cette certitude de la foi enracinée dans le sol et dans le ciel : des villages rasés par la folie des hommes, et des églises déjà reconstruites, avec l’aide des Français.

Des icônes défigurées

À Damas, cette ville étrange où l’on est réveillé à l’aube par des cloches, Grégoire III secoue les plus sceptiques : « La Syrie est un miracle, dit-il. Pendant le carême, presque toutes les églises étaient pleines, presque tous les jours, presque tout le temps. » Il parle peu de la guerre, qui s’éloigne, mais tous ont des proches qui ont été massacrés. Si le pays est loin d’être totalement libéré, le front recule, inexorablement semble-t-il, avec l’aide des Russes. Un leitmotiv : « L’aide est à la reconstruction par la famille : les chrétiens doivent rester. »

À 50 kilomètres au nord, c’est Yabroud, une petite ville libérée des troupes de Daesh par le Hezbollah, où les djihadistes se sont acharnés à défigurer toutes les icônes des églises. Le père Georges Haddad, curé de la cathédrale construite dans un temple romain dont il reste les murs d’origine, est inquiet. Pas pour lui, pour nous : « Pour la Syrie, je suis optimiste, mais pour l’Europe, je suis pessimiste. À cause de l’afflux des musulmans. »

D’autres témoignages édifiants : à Qsayr, un village détruit à 80 %, le père Issam, curé de la paroisse, a quitté la sécurité de l’Italie où il résidait depuis dix ans, pour revenir au pays avec toute sa famille (les prêtres melkites peuvent être mariés). Déjà, au milieu des ruines, son église est rétablie. À Rableh, à quelques kilomètres de la montagne où se terrent encore des bandes djihadistes, dans un décor apocalyptique, un monastère abrite un sanctuaire de la Vierge… protégé par le Hezbollah. Boutros nous y attend avec Mgr Arbach, l’évêque de Homs et Yabroud : « S’il n’y a plus de christianisme en Orient, il n’y a plus de christianisme dans le monde. »

Le pardon, une nécessité

Au Krak des chevaliers, l’indestructible témoignage de la volonté franque de protéger les routes de la liberté religieuse, une découverte : l’émir local d’Al Nosra, ce groupe terroriste « qui fait du bon boulot » comme disait Laurent Fabius, avait envahi ces lieux vides pour en faire la base arrière de sa conquête libératrice. Il avait transformé l’intérieur du château en lupanar où il consommait filles, drogues et alcool. C’est beau, l’islam radical. Il a fini assassiné par un de ses soudards dont il avait emprunté la soeur.

De Maaloula, dans les monts du Kalamoun, à deux pas de la frontière libanaise où l’on parle encore l’araméen, la langue du Christ, les modérés d’Al Nosra ont tué trois jeunes chrétiens qui refusaient d’abjurer leur foi. Le père Toufic, à la fois abbé du monastère basilien qui veille sur le village et curé de la paroisse, avait réussi à faire évacuer la plupart des habitants. Lui est resté, attendant la mort, qui l’a épargné. Il tente aujourd’hui de panser les plaies, de reconstruire. L’église porte encore les stigmates du passage des salafistes, avec ses icônes profanées et ses statues renversées, mais elle est restaurée.

Plus haut, le monastère des religieuses orthodoxes a eu moins de chance. On y vénère la mémoire de sainte Thècle, une princesse qui avait suivi saint Paul. L’église a entièrement brûlé. Mais construite dans le roc, ses murs ont résisté. À Maaloula, le pardon est difficile : six jeunes villageois ont été emportés en otage, avec la sinistre complicité des musulmans du village. On ignore leur sort. La vie cependant a repris, les familles, les enfants sont revenus. Le pardon n’est pas un devoir, c’est une nécessité de l’existence, et la paix entre tous, explique le père Toufic.

A quelque distance, le monastère fortifié de Seydnaya nous accueille, une impressionnante construction médiévale qui abrite une icône de la Mère de Dieu écrite par saint Luc. Miraculeusement protégé, le sanctuaire a traversé la bataille comme le symbole d’une Syrie chrétienne insubmersible.

Une amitié séculaire

Que retenir de ce bref séjour ?

1/ Le témoignage de foi, d’espérance et de pardon des chrétiens de Syrie est un message pour le monde, une promesse d’avenir pour leur patrie. L’unité de l’Église universelle est une force : la Syrie libre et légitime ne pourra pas se faire sans une présence chrétienne. Aux musulmans, ils disent : soyons pleinement libres, parlons-nous dans l’amitié, mais dans la vérité. Il faut aider les chrétiens à rester, retisser les liens, soutenir les familles, redresser les églises, rebâtir les écoles.

2/ La Syrie remonte la pente, les Syriens y croient, la victoire militaire n’est qu’une question de temps ; contrairement au Liban, l’État est ici une réalité, avec toutes ses imperfections, Dieu sait, mais l’ordre est une des premières conditions du bien commun. Les chrétiens le savent qui soutiennent l’autorité de l’État pour faire reculer la guerre.

3/ L’amitié séculaire avec la France est à reconstruire, mais les liens entre les peuples (spirituels, culturels) traversent les gouvernements. Le prouvent, ces jeunes chrétiens Français dévoués et compétents qui consacrent leur temps, leur formation (certains parlent arabe, ils maîtrisent parfaitement la géopolitique), leur générosité à maintenir la présence de la France dans l’Orient compliqué. Bon sang ne saurait mentir.

Dieu garde la Syrie, et les Francs qui ne lâchent rien !


Publié par Cahiers libres

Contacts :
SOS-Chrétiens d’Orient
OSP Diocèse de Fréjus-Toulon

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