LE COLONEL a-t-il écrit trop vite [1] ? Dans un essai précédent (“Si tu veux la paix , prépare la guerre”, Via Romana, 2018) François-Régis Legrier avait défendu la « légitime intervention du militaire dans le débat public », en s’appuyant sur les travaux du philosophe Henri Hude. « Pour ne pas se laisser enfermer dans le rôle d’âme damnée ou d’histrion. »
Extrait : « Aujourd’hui, l’émotion collective et non la raison est le moteur essentiel du fonctionnement médiatique et la justesse d’une cause se mesure au degré d’indignation qu’elle soulève. Qu’il le veuille ou non, le militaire ne peut rester à l’écart de ce phénomène. À l’intelligence politique sur le terrain, il doit donc ajouter l’intelligence politique par rapport aux opinions publiques, celle de son pays, celle du pays où il intervient, et plus largement l’opinion mondiale. Il doit “assumer une responsabilité morale supérieure”.
Selon le philosophe Henri Hude (“Démocratie durable. Penser la guerre pour faire l’Europe”, Monceau, 2010), cette responsabilité morale supérieure légitime une intervention du militaire dans le débat public afin de ne pas se laisser enfermer “dans le rôle d’âme damnée ou d’histrion” et, bien plus, un devoir de désobéissance. En effet, doit-on obéir à un pouvoir dans lequel les décisions sont davantage dictés par l’émoi collectif que par la raison ? “Dans quelle mesure est-il légitime de tuer sur ordre quand le donneur d’ordre ne peut presque rien faire d’autre que d’obéir à une logique de survie de son pouvoir dans les remous de cette agitation ?”
Henri Hude conclut par ses propos qui sonne à nouveau comme une mise en garde : “Tout ceux qui ont à obéir en conscience et qui font exister l’État par leur discipline, ont le devoir de rappeler qu’un homme libre n’obéit pas à n’importe quoi, ni à n’importe qui. Si les politiques veulent être obéis et respectés, ils doivent se reprendre et soumettre énergiquement à la logique d’un régime sensé un Léviathan de fait qui ne remplit aucune fonction de paix et qui n’a aucun droit à usurper ainsi le pouvoir.” »
Pour mémoire, le philosophe Henri Hude est professeur d’éthique à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr.
[1] Mise à jour, 19h. Selon d’autres informations, il n’est pas reproché au colonel d’écrire ce qu’il pense, mais de critiquer une opération militaire en cours d’exécution, au sein même de de la chaîne de commandement dont il est partie prenante. En toute rigueur, son article n’aurait pas dû être accepté avant la fin de sa mission.