L’empreinte que le cardinal Vingt-Trois laissera à Paris

Le cardinal André Vingt-Trois a remis au pape François sa lettre de renonciation le 7 novembre dernier. Une messe d’action de grâce pour les douze ans de son épiscopat au service de l’Église à Paris sera célébrée le 16 décembre à la cathédrale Notre-Dame. Son successeur sera Mgr Michel Aupetit, qui fut son vicaire général avant d’être évêque de Nanterre.

ORDONNE PRETRE en 1969, André Vingt-Trois est un Parisien pur souche. Né en 1942, il entre à vingt ans au séminaire St-Sulpice d’Issy-les-Moulineaux. Sa première nomination le conduit à la paroisse Ste-Jeanne-de-Chantal où il trouve comme curé le père Jean-Marie Lustiger : une rencontre décisive qui marquera son parcours de prêtre, de professeur et d’évêque. Les deux hommes ne se quitteront pratiquement plus.

Après avoir enseigné la théologie morale et sacramentelle au séminaire d’Issy-les-Moulineaux où il fut directeur, le père Vingt-Trois devient en 1981 vicaire général du diocèse de Paris, une fonction qu’il occupera pendant dix-huit ans. À quarante-cinq ans, en 1988, il est nommé évêque auxiliaire, puis, en 1999, archevêque de Tours. En 2005, il est rappelé à Paris par le pape Jean Paul II pour succéder à Jean-Marie Lustiger. Créé cardinal par Benoît XVI le 24 novembre 2007, il est élu la même année président de la Conférence des évêques de France, une élection qui aura toujours manqué à son prédécesseur, jugé trop peu consensuel par ses pairs. Il est vrai que le cardinal Lustiger n’avait pas besoin de cette fonction pour imprimer sa marque, ce qu’il fit sans complexe avec l’aide… d’André Vingt-Trois.

L’école de Jean-Marie Lustiger

Il est difficile en effet de ne pas comprendre les deux hommes l’un sans l’autre. André Vingt-Trois aura été le bras droit de Mgr Lustiger pendant plus de trente ans. Avec son pragmatisme déterminé et son sens de l’organisation, il permit à bien des intuitions géniales du cardinal Lustiger de voir le jour, en particulier dans la formation des prêtres.

Le grand œuvre des deux hommes fut le rétablissement de la visibilité de l’Église, une Église étouffée par une pastorale de l’enfouissement dépassée, ne sachant plus comment retrouver son souffle sous les assauts de la sécularisation. Dans le sillage de la dynamique Jean-Paul II, ils cherchèrent moins à attirer du monde, qu’à recentrer la foi des fidèles dans « le choix de Dieu ».

Une ambition missionnaire

Mais André Vingt-Trois ne fut jamais homme de l’ombre. Pleinement à sa place dans toutes ses fonctions, il donne sa mesure bien à lui. A Tours, il fait bouger les lignes, appelle la communauté de l’Emmanuel, promulgue le décret autorisant le culte public et les pèlerinages au sanctuaire de l’Ile-Bouchard. Il laisse le souvenir d’un réformateur habile et patient, ferme et plein d’humour.

Dès sa nomination à l’archevêché de Paris en mars 2005, il annonce ses grandes orientations devant les forces vives du diocèse : les jeunes, le champ social, la famille et l’éthique. « Une foi qui ne se propose pas et ne se partage pas est une foi qui se dessèche et qui n’intéresse plus, même les croyants », explique-t-il. Sa visée est missionnaire avant tout, dans l’esprit du message que l’on retrouvera chez le pape François : « Être cohérent » et « aller vers ceux qui ne nous demandent plus rien ».

Ses priorités s’exprimeront quelques années plus tard dans le programme des « Paroisses en mission », articulé autour de la vie spirituelle et liturgique ainsi que de la formation des fidèles. Le cardinal mobilise ses troupes pour rendre l’Église plus visible, plus communautaire et plus missionnaire. Il souhaite que se développe au sein de chaque famille paroissiale une véritable “culture de l’appel”. Très attentif à la vie de ses pasteurs, il gouverne son presbyterium en homme d’unité, de manière assez remarquable. La plupart des prêtres lui sont reconnaissants de son action épiscopale.

L’enjeu de la famille

Archevêque de Paris, il est l’interlocuteur naturel des autorités politiques, à qui il ne manque jamais de délivrer ses messages, marqués par un subtil franc-parler, volontiers caustique, toujours pénétrant. Au cours de l’homélie de la messe qui suit l’assassinat du père Hamel, à laquelle assistent de nombreux représentants du gouvernement et de la classe politique, il dénonce ce qu’il souligne régulièrement depuis de nombreuses années : la réduction du bien commun à la somme des intérêts individuels, la consommation excessive et le matraquage destructeur du système médiatique. Son constat est sévère : il s’adresse à une France entrée « dans une période de cassure entre l’héritage d’une société post-chrétienne et l’avènement d’une société des idoles – une société de fric ». Les principaux enjeux sociaux sont pour lui le respect de l’identité humaine et la famille, le service des pauvres et l’accueil des étrangers.

La famille est incontestablement l’une des réalités sociales qu’il connaît le mieux, et à laquelle il accorde la plus grande importance, à la fois comme théologien moraliste et comme pasteur. Lors de l’épineux débat sur le « mariage pour tous », il dira sa réprobation pour le projet gouvernemental, appelant les chrétiens à « se manifester ». Comme toujours, ses propos sont directs, mais à son altitude, celle du bien commun : « L’Église n’intervient pas pour défendre une conception du mariage et de la famille essentiellement catholique mais pour aider à la réflexion, au service de l’humanité. »

Pour tout changer

« Ce qui va changer la société, disait-il dans son dernier entretien au quotidien La Croix, le 4 octobre dernier, ce ne sont pas les déclarations de l’archevêque de Paris, mais la manière dont les chrétiens vivent de l’Évangile dans leurs choix et en témoignent. » Et à l’hebdomadaire Famille chrétienne, le 25 novembre : « La foi a toujours existé en milieu hostile. Si on comprend la mission comme un effort pour mettre en oeuvre la parole du Christ, tout change. » Durant tout son ministère de prêtre et d’évêque, c’est le message que le cardinal a voulu transmettre : «  Prendre la parole du Christ au sérieux. »

Le cardinal André Vingt-Trois en quelques dates :

  • 7 novembre 1942 : naissance à Paris
  • 28 juin 1969 : ordonné prêtre par le cardinal François Marty
  • 1969 : vicaire à la paroisse Sainte-Jeanne-de-Chantal à Paris
  • 1974 : directeur au séminaire Saint-Sulpice à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine)
  • 1981 : nommé vicaire général du diocèse de Paris par le cardinal Lustiger
  • 25 juin 1988 : nommé évêque auxiliaire de Paris par le pape Jean-Paul II
  • 21 avril 1999 : nommé archevêque de Tours
  • 11 février 2005 : nommé archevêque de Paris
  • 24 novembre 2007 : créé cardinal par le pape Benoît XVI
  • 2007-2013 : président de la conférence des évêques de France

 

Publié par Aleteia.

 

 

 

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