Nucléaire iranien : pourquoi Téhéran dérange Trump

L’isolationnisme de Trump devait trouver avec l’Iran son meilleur allié. Il en a fait son pire ennemi.

1 – LA QUESTION NUCLEAIRE IRANIENNE, centrale dans la communication politique n’est pas le cœur du problème iranien. Si l’Iran est confiné d’un point de vue économique, c’est pour une raison très différente : ce pays est le laboratoire de la contre-mondialisation. S’il dérange, c’est qu’il a mis au point un système idéologique extrêmement élaboré prônant le rétablissement des frontières, la perpétuation des identités et désignant comme ennemi le mondialisme et son moteur.

2 – Depuis le début de sa campagne électorale, le président Trump a prôné une ligne isolationniste pour les États-Unis, s’opposant ainsi au néo-conservatisme belliciste d’Hillary Clinton. Mais cette opposition est démentie sur un point : l’Iran. Sur ce point particulier, il existe une inversion de posture entre les deux anciens candidats : Trump souhaitant démonter l’accord voulu par Obama avec l’Iran. Le président américain n’est donc fidèle aux positions néo-conservatrices que sur la question iranienne, qui est sans doute non-négociable pour lui. Il ne peut publiquement soutenir le moteur de la contre-mondialisation.

Un gage aux néo-cons

3 – Dans les luttes de pouvoir qui font rage à Washington, les positions isolationnistes de Trump ont été méthodiquement sapées. Ses conseillers proches ont été systématiquement éliminés. Le Président est pour ainsi dire le prochain sur la liste. D’ailleurs la question de l’Impeachment est ouvertement posée chez les républicains aujourd’hui. Dans ce cadre, la non-certification de l’accord nucléaire iranien, permet à Trump de donner un gage aux néo-conservateurs afin de se donner du répit.

4 – En Iran, le président Rohani, qui gouverne subtilement au centre en faisant très attention à ménager des espaces de liberté à ses opposants (c’est ainsi qu’Ahamadinejad est revenu sur la scène politique), est l’homme qui a réussi à négocier l’accord sur le nucléaire. Si cet accord devient caduc, l’opposition conservatrice — qui le considère dès à présent comme un traître à l’Iran en raison de sa capacité à négocier avec ses opposants — va en profiter pour le marginaliser. Il s’en suivra un durcissement de l’appareil d’État iranien. C’est la raison pour laquelle Israël ne souhaite pas forcément revenir sur le statu quo existant, celui du confinement géo-économique de l’Iran, sous prétexte nucléaire.

Tout est renégociable

5 – Si l’accord n’est pas certifié [ce 13 octobre], l’interprétation qui en sera faite en Iran n’aura rien à voir avec ce que nous pourrions imaginer. Façonnés par notre culture juridique romaine, nous imaginerons se profiler une fin unilatérale et un échec. Rien de tel en Iran ou tout accord est renégocié à l’infini jusqu’à sa mort. L’histoire des contrats pétroliers entre la Perse et la Grande-Bretagne est là pour nous le montrer. De toute façon, les Iraniens considèrent Trump comme un Ahmadinejad américain, un homme qui gesticule beaucoup mais a du mal à faire avancer les dossiers de politique étrangère. Ils n’attendent rien de lui.

Il est d’ailleurs probable que certification ou non, l’impact sur l’économie iranienne sera inexistant. En effet, l’accord précédent n’a pas ré-ouvert l’Iran aux investissements.

 

 

Thomas Flichy de La Neuville

Auteur : Thomas Flichy de La Neuville

Professeur à l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr Coëtquidan.

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