CHAQUE CHRETIEN exerce d’une manière souvent très personnelle sa responsabilité dans la vie de la cité. Il doit faire des choix, prendre des décisions. Le discernement est pour lui difficile, a fortiori dans un contexte où l’indifférence le dispute à l’hostilité. Appelé à la cohérence, il se heurte à la liberté humaine et à la contingence des faits. Dès lors, que faire ? Et comment le faire ? Car si la différence chrétienne est tenue pour minoritaire, sa voix devient de plus en plus une condition de la liberté. « Nul ne peut rester à ne rien faire », disait Jean Paul II, et le pape François : « Chargeons-nous de la réalité qui nous incombe, commençons par en bas, faisons-le meilleur bien possible. »
Benoît XVI lui, insistait sur le devoir de compétence : bien agir, c’est faire l’effort de comprendre le monde dans lequel nous vivons, à commencer l’homme d’aujourd’hui, avec ses peurs, ses blessures, ses espoirs ; c’est aussi maîtriser la complexité des questions politiques et savoir décrypter les mythes et les manipulations qui asservissent les sociétés, et dont nous sommes parfois complices, par ignorance ou par faiblesse. Or si le chrétien a bien une responsabilité politique, notamment à l’égard de l’Etat, c’est bien celle-ci : veiller à préserver dans la cité les fondements de la justice et de la liberté.
Ce parcours, conçu comme un séminaire d’anthropologie sociale chrétienne, est exigeant, mais ouvert à tous. Sa perspective est pratique, et à ce titre totalement politique. Il a pour but d’aider chacun à approfondir le sens de son engagement chrétien dans la Cité : « Je comprends, je discerne, je m’engage. »
Intervenants : Thibaud Collin, Roland Hureaux, Pierre de Lauzun, François-Xavier Bellamy, Mgr Luc Ravel, François Huguenin, Fr. Emmanuel Perrier op…
Coordination : Père Xavier Lefebvre, curé de la paroisse St-Louis d’Antin.
Animation : Philippe de Saint-Germain, Conscientia.
Infos pratiques :
Un mercredi par mois de 19h à 21h (sauf la 1e séance mardi 3 octobre).
Lieu : auditorium de l’Espace Georges-Bernanos, 4 rue du Havre Paris IXe
Tarif : 150 € l’année ou 20€ par conférence
Tarif étudiant : 70 € l’année ou 10€ par conférence
Inscription préalable : <secretariatbernanos@gmail.com> – 01 45 26 65 22
PROGRAMME
3 octobre : « Morale ou politique ? La responsabilité sociale du chrétien »
par Thibaud Collin, professeur agrégé de philosophie, auteur de La République, les religions, l’espérance (Cerf).
Faut-il considérer la politique consacrée aux affaires collectives et la morale régissant les actes personnels comme deux sphères indépendantes ? Beaucoup considèrent aujourd'hui cette séparation comme la condition même d'une saine démocratie. Or la vie d'une société libre repose d’abord sur la multitude des décisions et des actes que posent ses membres. Si tel est le cas, la qualité vicieuse ou vertueuse de chacune de nos actions n'est pas sans dimension politique. La politique ne se limite pas à une technique utilisée par les représentants et les fonctionnaires en charge de la conduite de l'État. Elle est réellement affaire de tous et donc doit être prise en charge par tous. La doctrine sociale de l'Église offre de précieux critères de discernement pour que chacun agisse en vue du bien commun. Il s'agit d'abord de prendre conscience que le devenir de son pays dépend d'abord de soi-même. Cette conviction ne peut pas être sans conséquence sur ses choix politiques.
Documents préparatoires :
Congrégation pour la doctrine de la foi, Note doctrinale sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique (2002).
15 novembre : « Le fait idéologique, clé d’interprétation du monde moderne »
par Roland Hureaux, ancien élève de l’ENS et de l’ENA, agrégé d’histoire, auteur de l’Antipolitique (Privat). Dernier ouvrage paru : Gnoses et gnostiques, des origines à nos jours (DDB, 2015).
Il est difficile de comprendre le monde actuel, tant les régimes criminels qui ont ensanglanté le xxe siècle que les multiples dysfonctionnements des sociétés tenues pour libérales, sans faire appeler à la notion d’idéologie telle que l’a développée Hannah Arendt. Le mode de pensée idéologique est aujourd’hui omniprésent dans l’action publique, les médias, les partis politiques. Il constitue une sorte de virus dans le logiciel de la décision politique. Après avoir défini l’idéologie au sens technique du mot, on montrera les nombreux caractères auxquels on la reconnaît, la manière dont elle a évolué dans l’histoire récente et comment une politique chrétienne se doit, de manière prioritaire, avant tout projet positif, de combattre la contagion idéologique présente aujourd’hui à tous les niveaux, ce qui implique de bien comprendre son fonctionnement.
Références :
Hannah Arendt, Le Système totalitaire, Seuil , 1953.
Jean Baechler, Qu’est-ce que l’idéologie ? Gallimard, coll. « Idées », 1968.
Roland Hureaux, Les Hauteurs béantes de l’Europe, François-Xavier de Guibert, 2000.
Roland Hureaux, La Grande Démolition (2e partie), Buchet-Chastel, 2012.
13 décembre : « Politique économique et bien commun à la lumière de la doctrine sociale de l’Église »
par Pierre de Lauzun, ancien élève de l’École polytechnique et de l’ENA, délégué général de l’Association française des marchés financiers, auteur de Christianisme et Croissance économique (Parole et Silence, 2008). Vient de publier Guide de survie dans un monde instable, hétérogène, non régulé (Terra Mare, 2017).
La doctrine sociale de l’Église met l’action de l’État dans l’économie sous le signe du principe de subsidiarité : il s’agit de créer des situations favorables au libre exercice de l'activité économique et donc de soutenir l'activité des entreprises, tout en maintenant le principe de solidarité et défendant les plus faibles. Le marché et l'État doivent donc agir de concert et devenir complémentaires. Ce devoir est d’abord de définir un cadre juridique capable de régler les rapports économiques. Selon la doctrine sociale de l’Église en effet, le marché libre ne peut en effet avoir des effets bénéfiques pour la collectivité que si l'État définit et oriente la direction du développement économique, fait respecter des règles équitables et transparentes, corrige à l’occasion le marché et incite les citoyens et les entreprises à promouvoir le bien commun en favorisant la participation de tous aux activités de production.
Références :
Jean-Paul II, lettre encyclique Laborem exercens (1981).
Pape François, lettre encyclique Laudato si’ (2015).
Pierre de Lauzun, Guide de survie dans un monde instable, hétérogène, non régulé, Terra Mare, 2017.
17 janvier : « Au nom de quoi faut-il s’engager ? »
par François-Xavier Bellamy, maire-adjoint de Versailles, professeur agrégé de philosophie, auteur de Les Déshérités (Plon).
La véritable urgence, c’est le retour du réel dans la vie politique de notre pays. La crise que nous traversons vient du mensonge qui a pénétré tous les interstices de notre vie publique : elle vient de l’écart évident entre ce que nous savons être vrai et ce qu’il est convenu de dire, entre les mesures que nous savons être nécessaires et celles qui sont finalement prises. Ce climat de mensonge permanent a subverti l’exercice du débat, empêché les décisions les plus urgentes, et vidé de son sens jusqu’à la parole d’Etat. La politique a abandonné le sens du réel au profit des positionnements tactiques et des stratégies personnelles. Et quand le réel vous gêne, faites-le disparaître. Quelques décennies de ce réflexe collectif ont abouti à la crise que nous traversons. Pour en sortir, rien ne sera plus nécessaire que de nous réconcilier avec le réel. De réapprendre à parler ensemble, avec de vrais mots, pour répondre à de vraies questions. Si nous en sommes capables, nous avons toutes les raisons d’espérer ; car aucun des problèmes que nous rencontrons n’est insurmontable. Ce qui constitue nos difficultés, ce n’est pas l’absence de solutions ; c’est seulement que nous n’arrivons pas à les nommer clairement. Ce qui désespère les Français, ce n’est pas l’effort qui leur est demandé, mais l’écart toujours plus absurde entre ce qu’ils vivent au quotidien et ce qu’en dit le monde politique. Voilà ce mensonge entretenu, cette fuite du réel qui, en retour, laisse tant de place aux outrances et aux excès.
Document préparatoire :
Alexandre Soljenityne, Le Déclin du courage, Les Belles Lettres, 2015.
7 février : « La laïcité est-elle un « instrument » politique ? »
par Mgr Luc Ravel, archevêque de Strasbourg.
On enracine volontiers notre laïcité « à la française » dans les lois positives produites par notre démocratie. Cette perspective historique est une indubitable méprise. Une laïcité « légale » a pu être donnée au cours du xxe siècle, mais la notion de laïcité est une notion issue du judéo-christianisme et elle a valeur théologique avant d’avoir valeur légale ou politique. Une réflexion et une conscience politiques qui tendraient à rejoindre le sens que donne à ce mot la pensée catholique faciliteraient grandement la mise en place de protocoles équilibrés, de mises au point justes dans lesquelles le fait religieux, d’une part, les religions, d’autre part, pourraient s’épanouir sans blesser le bien commun sur lequel le politique a pour tâche de veiller.
Document préparatoire :
Mgr Luc Ravel, Lettre pastorale « En terre de laïcité », diocèse aux armées françaises, 2011.
14 mars : « Chrétiens en politique : une ligne de crête »
par François Huguenin, historien des idées, auteur de l’Histoire intellectuelle des droites (Perrin, 2016) et du Pari chrétien – une autre vision du monde (Tallandier, 2018).
Dans la lignée de Jean-Paul II, Benoît XVI et François, le catholicisme a beaucoup à apporter à notre monde, et en particulier à la France. Non pas pour imposer ses normes à la société, mais pour porter une parole que lui seul peut porter et qui réinsuffle dans le débat la notion de bien commun, celle de la dignité des personnes. Sur les questions éthiques de naissance et de fin de vie, mais aussi sur les défis écologiques, sur la pauvreté, le consumérisme, les migrants, le catholicisme a beaucoup à apporter. Dans un monde où l'homme est réduit au consommateur, où tout devient objet d'échange financier, où la mondialisation se fait au détriment des plus vulnérables, plus que jamais il peut donner des repères, aider au discernement. Le catholicisme a montré qu'il savait travailler au bien commun des sociétés dans lesquelles il est implanté. Il a la légitimité pour le faire.
11 avril : « La fin de notre paradis et le retour de la politique »
par le Fr. Emmanuel Perrier op, professeur à l’Institut de théologie des arts et au Studium de la province des dominicains de Toulouse, auteur de “Les catholiques en politique, idéalistes minoritaires ou réalistes moraux ?” (Liberté politique, 2011).
En 1985, Marcel Gauchet soutenait que le christianisme était devenu la religion de la sortie de la religion, c’est-à-dire de la structuration religieuse de la politique, avec une véritable rupture dans les années 1970. En 2014, Éric Zemmour situait l’origine de son Suicide français lui aussi en 1970. Il avait ainsi suffi de trente années pour qu’un goût amer vienne s’attacher au sentiment d’une conquête définitive pour l'humanité. Marcel Gauchet avait bien compris ce dont nous étions sortis, mais pas ce dans quoi nous étions entrés. En quittant le christianisme, notre époque qui ne prétend pas être un paradis, se vit comme un paradis. Mais la vie paradisiaque de notre post-modernité prend de plus en plus les allures d’un suicide politique. D’où deux questions : Pourquoi le projet de paradis sur terre ne réussit pas à la cité de l'homme ? Comment sort-on du projet de paradis avant que le suicide ne soit achevé ? Les catholiques sont loin d’être désarmés pour répondre à ces deux interrogations.
30 mai : « Tous politiques »
Par Tugdual Derville, délégué général d’Alliance Vita, fondateur d’À bras ouverts, membre de l’Académie pontificale pour la vie. Auteur notamment de La Bataille de l’euthanasie (Salvator, 2012), Le Temps de l’homme (Plon, 2016). Vient de publier : L’Aventure d’À Bras ouverts, un voyage en humanité (Ed. de l’Emmanuel, 2017).
Le monde ne change que par les minorités actives, cohérentes et nombreuses. Or il y a dans l’humus de la société une force de construction vitale, structurante, qui agit en conformité avec sa vocation la plus naturelle : tisser humblement du lien humanisant, construire et réparer la société, à partir des relations originelles, filiales, familiales et nationales. Pendant que les penseurs de la déconstruction sapent la société, les “panseurs” la bâtissent, en prenant soin de ses membres les plus fragiles. Pour aller plus loin, cette force de construction doit s’organiser, non pas comme une puissance techniquement ordonnée à la prise du pouvoir, mais comme une conscience métapolitique partagée par tous les acteurs sociaux, unis par une même volonté de servir le meilleur bien possible. Cette dynamique politique positive échappe à la tentation du repli sur soi, cette forme d’auto-exclusion qui s'exprime souvent dans le radicalisme de la surenchère. Elle justifie toutes les formes d’engagement et d’initiatives, s’adossant les unes aux autres, dans une logique organique et non partisane. Elle réussira si elle demeure dans la cohérence morale et le désintéressement, autour d’un noyau dur qui saura agir en radicale conformité avec les valeurs de l’anthropologie du don, celles-là mêmes qui sont attaquées comme le principal obstacle aux constructions mentales insidieuses qui ont pris le relais des totalitarismes mortifères du XXe siècle.
Documents préparatoires :
Le Temps de l’homme, Plon, 2016
Ecologie humaine, le temps de la reconstruction, Conscientia, 22 sept. 2016
Infos pratiques
Un mercredi par mois de 19h à 21h.
Lieu : auditorium de l’Espace Georges-Bernanos, 4 rue du Havre Paris IXe
Tarif : 150 € l’année ou 20€ par conférence
Tarif étudiant : 70 € l’année ou 10€ par conférence
Inscription préalable :
<secretariatbernanos@gmail.com> – 01 45 26 65 22