JAMAIS en France, le droit à la vie n’a paru aussi lié à la liberté de conscience et d’expression qu’avec le projet socialiste liberticide du délit d’entrave numérique à l’IVG. Le droit à la vie est le premier des droits, disait St Jean-Paul II, mais la liberté de conscience, précisait-il, est la base de tous les droits. Le gouvernement socialiste s’attaque aux deux. Les évêques de France ont raison d’y voir une remise en cause gravissime de deux principes fondamentaux de la société libre.
Le 25 novembre, le cardinal André Vingt-Trois, a attaqué la proposition de loi soutenue par le gouvernement en des termes très durs : « Si on en arrive à interdire de s’exprimer sur les conséquences de l’avortement, avait-il déclaré sur Radio Notre-Dame, on entrera complètement dans la police des idées et dans la dictature d’une vision totalitaire sur l’avortement. »
Par la voix de leur président, Mgr Pontier, les évêques de France demandent au président de la République de ne pas laisser « arriver à son terme » ce texte législatif — qui relaie ouvertement une initiative du gouvernement — et qui doit être examiné par les députés jeudi 1er décembre.
Dissuader est un délit
Le ministre « des Familles », de l’Enfance et des Droits des femmes, Laurence Rossignol, avait annoncé le 27 septembre qu’elle présenterait elle-même aux parlementaires un amendement sur le « délit d’entrave à l’IVG ». Cette proposition d’amendement, prévue initialement dans le cadre de l’examen du projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté, a été transformée en proposition de loi. Celle-ci, adoptée par la Commission des affaires sociales, complète l’article L. 2223-2 du code de la santé publique, ainsi rédigé :
« Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption de grossesse […] en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements, des femmes venues y subir ou s’informer sur une interruption volontaire de grossesse ou de l’entourage de ces dernières par tout moyen de communication au public, y compris en diffusant ou en transmettant par voie électronique ou en ligne, des allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse. »
Sont ainsi visés directement les associations qui proposent des solutions alternatives, comme www.sosbebe.org, www.ivg.net, www.ecouteivg.org, www.afterbaiz.com, www.lessurvivants.com. L’amendement a pour objet le contrôle de la totalité de l’information concernant l’IVG en France, privant ainsi les Françaises et les Français d’une assistance véritablement objective. Le site officiel du gouvernement (http://ivg.social-sante.gouv.fr) indique par exemple que l’IVG ne comporte aucune conséquence psychologique à long terme, au mépris de toutes les observations scientifiques et médicales.
Un débat politique houleux
Lors de la discussion du texte en commission, les députés socialistes ont délibérément choisi la provocation en polluant le débat avec des allusions aux attaques d’Alain Juppé contre François Fillon, déclenchant la colère de l’opposition… une suspension de séance totalement téléphonée, et le refus de vote des députés LR. Ou comment la violence liberticide se drape dans les plis de la victime !
Plusieurs députés suivent le dossier de près, qui ont d’ores et déjà déposé des amendements au texte. Pour mémoire, la plupart d’entre eux ont soutenu François Fillon : Véronique Besse (NI, Vendée), Yannick Moreau (LR, Vendée), Patrick Hetzel (LR, Bas-Rhin), Jean-Frédéric Poisson (LR-PCD, Yvelines), Jacques Bombard (NI, Vaucluse). D’autres avaient soutenu Alain Juppé : Hervé Mariton (LR, Drôme), Philippe Gosselin (LR, Manche). Marion Maréchal-Le Pen (NI, Vaucluse) a également déposé des amendements.
Le texte sera discuté à l’Assemblée le 1er décembre.
Paru sur le site de l’Observatoire socio-politique du diocèse de Fréjus-Toulon
La lettre de Mgr Pontier
Marseille, le 22 novembre 2016
Monsieur le Président de la République,
Permettez-moi d’attirer votre attention sur une question qui me préoccupe.
Relayant une initiative gouvernementale, des députés de la majorité parlementaire ont déposé le 12 octobre dernier une proposition de loi « relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse ». Cette proposition vise à condamner des sites internet accusés d’« induire délibérément en erreur, intimider et/ou exercer des pressions psychologiques ou morales afin de dissuader de recourir à l’IVG ». Le 8 novembre, le gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée pour l’examen de cette proposition de loi.
L’interruption volontaire de grossesse, qu’on le veuille ou non, demeure un acte lourd et grave qui interroge profondément la conscience. Dans des situations difficiles, de nombreuses femmes hésitent à garder ou non l’enfant qu’elles portent. Elles ressentent le besoin d’en parler, de chercher conseil. Certaines, parfois très jeunes, éprouvent une véritable détresse existentielle devant ce choix dramatique, qui va marquer toute leur vie. Cette détresse, longtemps invoquée pour justifier l’exception au principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie, inscrit dans notre code civil, a aujourd’hui disparu de l’énoncé de la loi. Elle devient ainsi légalement inexprimable. Par ailleurs, la loi de modernisation du système de santé du mois de janvier dernier a supprimé le délai de réflexion d’une semaine consenti à la femme avant la décision éventuelle de subir un avortement. Autrement dit, les femmes ne trouvent plus de soutien officiel à leur questionnement en conscience.
Certains de nos concitoyens, réunis en associations, ont décidé de consacrer de leur temps, notamment par le biais des instruments numériques, à l’écoute des femmes hésitantes ou en détresse par rapport au choix possible d’avorter. Ils compensent ainsi l’absence d’organisation de ces lieux d’écoute. Leur succès prouve qu’ils répondent à une attente. Faut-il s’en inquiéter ? Bien des femmes s’adressent à ces sites après un avortement parce qu’elles ont besoin d’un lieu pour verbaliser ce qui a été vécu. D’autres persévèrent dans leur projet d’avorter, d’autres enfin décident de garder leur enfant. Cette diversité d’expression et de comportement est rendue possible par l’espace de liberté que constituent les sites mis en place. Leur positionnement incite à la réflexion, et c’est justement ce qui leur est reproché. Il faudrait qu’ils adoptent d’emblée un positionnement favorable à l’avortement. Or, un sujet si grave ne peut être enfermé dans des postures militantes.
Cette proposition de loi met en cause les fondements de nos libertés et tout particulièrement de la liberté d’expression qui ne peut être à plusieurs vitesses suivant les sujets. Faudrait-il nécessairement exclure toute alternative à l’avortement pour être considéré comme un citoyen honnête ? Le moindre encouragement à garder son enfant peut-il être qualifié sans outrance de « pression psychologique et morale » ?
En fait, la proposition de créer un délit d’entrave numérique à l’interruption volontaire de grossesse contribuerait à rendre cet acte de moins en moins « volontaire », c’est-à-dire de moins en moins libre. Surtout, elle constituerait, malgré ce qu’affirment ses dépositaires, un précédent grave de limitation de la liberté d’expression sur internet. Une limitation d’autant plus grave qu’elle touche à des questions de liberté de conscience. Cela me semble être une atteinte très grave aux principes de la démocratie.
C’est pourquoi je me permets de vous écrire pour exprimer ma grande préoccupation devant cet empressement de la majorité législative, relayant une initiative gouvernementale, pour faire passer en force une mesure qui mettrait à mal, un peu plus encore, les justes règles du dialogue pour construire une vie en société respectant les uns et les autres. Ces questions mériteraient pour le moins, comme cela a été le cas sur la fin de vie, un vrai débat parlementaire et citoyen. J’ose donc espérer que, sensible aux libertés en cause, vous ne laisserez pas une telle mesure arriver à son terme.
En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien porter à cette lettre, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma haute considération.
Mgr Georges Pontier,
archevêque de Marseille,
président de la Conférence des évêques de France
Source : Conférence des évêques de France
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