LA PESTE CLINTON ou le choléra Trump ? Les Américains ont tranché : ce ne sera pas la peste [1]. Ce sera le changement. Car s’il y a un premier responsable à l’élection de Trump, c’est Barack Obama et son bilan, et s’il y en a une seconde, c’est Hillary Clinton. Il est facile d’accuser Trump de tous les maux, mais s’il est aux portes de la Maison Blanche, c’est bien parce que l’ensemble de la classe politique lui a préparé la place en se rendant insupportable à la majorité des électeurs. L’heure devrait être à l’examen de conscience.
Obama et Clinton représentent tous deux la gauche progressiste du political correctness et son messianisme idéologique multiculturel annonciateur des lendemains qui chantent, né avec Bill Clinton et sa « troisième voie ». Cette gauche a creusé l’endettement du pays, durci les relations entre les communautés avec sa « politique des identités genrées et racialisées », enrichi les très riches — de plus en plus nombreux — et appauvri la classe moyenne.
L’impuissance d’Obama, l’arrogance d’Hillary et les incohérences du Parti républicain, englué dans ses contradictions entre le conservatisme moral du Tea Party et les aventures guerrières au Moyen Orient, soutenues par le clan Clinton (même si Obama a freiné des quatre fers en fin de mandat), ont fait le lit de Trump.
Trump est-il le président élu des ploucs du Middle West ? Ce n’est pas si simple. Les Américains aux revenus les plus élevés (> 50.000 $) ont voté Trump, qui a donc été soutenu par la classe moyenne et la classe moyenne supérieure. Mais il a fait carton plein en milieu rural et les ouvriers de la Rust Belt (la « ceinture de fer » des États industriels du Nord-Est) ont voté pour lui à une large majorité, alors qu’ils avaient voté Obama en 2007 et 2012. Difficile d’affirmer que le milliardaire est l’élu du racisme et de la xénophobie. Même par défaut, le Parti républicain est devenu le parti de la classe ouvrière.
La défaite des Church’s ennemies
Les chrétiens, eux, ont largement voté Trump, là aussi par défaut : 60% des protestants dont 81% des évangéliques, 52% des catholiques (Edison Research for the National Election Pool). Plus encore que bien des Américains, ils ont rejeté l’idéologie liberticide d’Hillary Clinton et sa politique ouvertement anticatholique. Pour eux, la victoire de Trump est moins leur victoire, que la défaite du camp pro-choice et des ennemis de la liberté des Églises.
On a peine à comprendre en Europe l’attachement des chrétiens américains au respect de la vie. Pour eux, le moral fonde le social. La personne en tant que dignité souveraine conditionne le reste. Et ce n’est pas un hasard si cette protection de la vie est liée aux États-Unis à la liberté de conscience et de religion. L’un ne va pas sans l’autre, et la politique sociale de l’administration démocrate, qui ne comportait pas que des éléments négatifs, comme l’extension de l’assurance maladie, était jugée insupportable en raison de ses atteintes à la liberté de conscience. L’administration Obama poursuivait des œuvres sociales catholiques pour les obliger à pratiquer des avortements ou, comme chez les Petites Sœurs des Pauvres, à promouvoir la contraception. Hillary Clinton serait allée encore plus loin dans ce sens.
Un renouveau hypothétique
Pratiquement, les Républicains gardent le contrôle du Sénat. Ceci est pour les chrétiens une grande victoire pour la vie — avec la possibilité d’amender l’Obamacare et le financement du Planning familial. Ce sera aussi la possibilité de désigner à la Cour suprême des juges pro-life — ce que Trump a confirmé après son élection — et des juges qui respectent les libertés fondamentales reconnues par la Constitution, ce qui n’était plus acquis.
Le mandat Trump sera-t-il pour autant celui d’un renouveau moral et culturel, sans lequel il n’y aura pas de renaissance politique, sociale et économique durable ? C’est évidemment la question qu’il faut se poser aujourd’hui, et se préparer à toutes les hypothèses.
Donald Trump est devenu au cours de la campagne un politicien pro-life. Toujours pro-mariage gay, mais pro-life. Bonne nouvelle. Qu’en est-il de la cohérence et du sérieux de ses convictions ? Il est admis aujourd’hui que ses outrances étaient surtout pur calcul. Mais sa vulgarité, son cynisme ne vont pas se dissoudre dans la fonction comme par enchantement… même si l’organe créée la fonction. Clinton était une idéologue, Trump est un démagogue : il a pris des engagements (électoraux) sur le respect de la liberté religieuse, sur le respect de la vie, sur la liberté scolaire. Des engagements « qui ne coûtent pas cher » ? Le chroniqueur catholique Tom Hoopes du National Catholic Register implore le Ciel, citant Baudelaire : « Seigneur, faites s’il vous plaît que le diable tienne ses promesses. »
Rien n’est jamais acquis
N’oublions pas que les « positions éthiques » d’un candidat ne font pas une politique. En matière de politique étrangère, l’onde de choc géopolitique sera plus mesurée qu’annoncée, même si le bellicisme droits-de-l’hommisme ne sera plus à l’ordre du jour, et l’on ne s’en plaindra pas. Idem, en matière de politique économique. Il est plus probable que le souverainisme impérial — si l’on peut dire — des USA sera plus libéral que jamais : ce qui est à moi est à moi, ce qui est à toi est à tous. Qui en profitera ? Les plus pauvres ?
S’agissant de la politique migratoire et environnementale, Trump sera-t-il pragmatique ou persistera-il dans la provocation ? Les Américains sont tous fils de migrants, mais ils sont patriotes. Ils savent que le peuple s’est fait dans l’adhésion à des valeurs communes, pas dans la guerre des droits des uns contre les droits des autres. La société civile est forte : à elle de se faire entendre, et de renouer la confiance avec le Congrès pour cadrer le mandat qui s’ouvre.
Faute d’avoir pu présenter une unité doctrinale recentrée sur les « causes fondatrices » américaines, les Républicains ont laissé la victoire à Trump. Mais leurs électeurs ont délivré un message : ils veulent une société centrée sur la communauté, la famille, le travail et non une société centrée sur l’État, entre les mains d’un gouvernement complice de l’establishment et des grandes fortunes. C’est à eux désormais, les électeurs, de se faire entendre avec les parlementaires les plus sérieux, en considérant que le pire a été évité, mais que rien n’est jamais acquis. « Seigneur, aidons le diable à tenir ses promesses. »
Publié par Cahiers libres
[1] Cf. http://conscientia.fr/2016/09/01/clinton-ou-trump-pour-les-catholiques-la-peste-ou-le-cholera/