Brexit : les catholiques anti-catastrophistes ont voté « leave »

Eclairage sur le vote des catholiques : le catastrophisme n’est pas une politique.

Comment les catholiques britanniques se sont positionnés lors du referendum sur le Brexit ? Manifestement, ils sont divisés, comme ceux du Continent. Pendant longtemps, le projet européen a été pensé en Grande Bretagne comme une machine de guerre téléguidée par le Vatican, d’où a contrario un tropisme bienveillant de la part des catholiques. Ce n’est plus le cas. Certains des eurosceptiques les plus constants sont catholiques. Ils considèrent que l’Europe de Bruxelles est devenue athée, bureaucratique, aussi peu solidaire que possible et s’est éloignée du génie de la civilisation européenne.

Pour autant, l’épiscopat reste sur une ligne plutôt légitimiste et conformiste, dans la tradition démocrate-chrétienne. Officiellement et normalement, les évêques n’ont pas pris position. Ils ont publié une déclaration commune dans laquelle ils ont exhorté les catholiques à s’informer sérieusement des arguments pour et contre l’adhésion à l’UE, en affirmant que le résultat du vote aurait des conséquences pour l’avenir, « non seulement au Royaume-Uni mais pour l’Europe et pour le monde ». Qui dira le contraire ?

Le chef de l’Église catholique d’Angleterre et du Pays de Galles, le cardinal Vincent Nichols, archevêque de Westminster, a cependant implicitement indiqué son soutien au Remain camp en craignant que la Grande-Bretagne ait à faire face à des « problèmes complexes » si les électeurs choisissent de quitter l’UE. Son prédécesseur, le cardinal Cormac Murphy-O’Connor est allé plus loin en soutenant avec force le Remain dans un article paru dans le Spectator.

L’archevêque à contrecourant

Mais un évêque s’est opposé clairement à l’unanimisme de l’establishment. Mgr Peter Smith est l’archevêque catholique de Southwark, un diocèse qui couvre le sud de Londres. Il est président de la Commission épiscopale Responsabilité chrétienne et citoyenneté et vice-président de la Conférence des évêques d’Angleterre et du Pays de Galles. Dans une interview à Radio Vatican, il a dit tout le mal qu’il pensait de la campagne du référendum proposé aux électeurs britanniques… et en particulier des arguments des adversaires du Brexit.

Bishop Peter Smith, the newly appointed Archbishop of Cardiff at his office in the city today Friday 26th October, 2001 after the resignation of The Most Reverend John Ward. Archbishop Ward left his post after persistent allegations that he protected two Roman Catholic priests who had abused children. See PA story RELIGION Archbishop. PA Photo: Chris Ison
Peter Smith, archbishop of Southwark.

Le Catholic Herald (23 mai 2016) a rapporté ses propos. Pour lui, l’Union européenne s’est fourvoyée en voulant se transformer en super-État (super-state). Il estime que la recherche de la cohésion entre les États membres ne pouvait pas se faire au prix de leur souveraineté légitime. L’archevêque avoue même que la perte de la souveraineté britannique au profit de ce projet d’« États-Unis » européens était « difficile à avaler ». Il a également dénoncé la monnaie unique comme un échec, nuisible aux pays les plus pauvres, ajoutant qu’il était heureux que la Grande Bretagne ne l’ait pas adoptée.

Mgr Smith a ouvertement critiqué la campagne « for attempting », au motif qu’elle cherche à faire peur (to scare) aux électeurs s’ils ne veulent pas rester dans l’UE. Il a même considéré « ridicules » les prévisions économiques catastrophiques de George Osborne, le chancelier de l’Échiquier, en cas de victoire du Brexit. Extraits :

 « Quand nous avons rejoint l’Union européenne, les principaux arguments étaient commerciaux. On nous a expliqué que l’intégration nous serait profitable, que cela soutiendrait l’économie. Le problème est que l’UE est devenue extrêmement bureaucratique. L’euro en particulier n’a pas joué son rôle avec les pays les plus pauvres — Grèce, Portugal, Espagne. Il n’a pas fonctionné correctement, et c’est heureux que nous ne l’ayons pas adopté, en raison des différences économiques au sein du continent. […]

De tous côtés, faire peur

« La plupart des gens sont totalement perplexes. Ils ne savent pas ce que sont les vrais arguments, puis ils entendent ces histoires effrayantes comme lorsque le chancelier Osborne dit que d’ici 2030, les familles britanniques n’auront plus que 4300 £ pour vivre par an.

« Avec un grand respect pour le chancelier de l’Échiquier, je pense qu’il est ridicule. Il ne sait pas [ce que sera l’avenir], et nous ne le savons pas. […] Ce ne peut être une manière d’argumenter. Nous l’attendons plutôt sur les grandes questions — la solidarité européenne, la guerre au Moyen-Orient et la crise des migrants, à l’origine de problèmes terribles, mais aussi le sort des pays les plus pauvres de l’Europe, la Grèce par exemple. […]

« Et la Turquie ? Elle n’est ni dedans ni dehors pour le moment. Il y a énormément de travail à faire sur le plan politique pour rendre l’UE plus cohérente sans court-circuiter la souveraineté légitime des pays membres. […] La vraie difficulté est qu’il n’y a pas de clarté dans les arguments de part et d’autre, [mais plutôt] beaucoup de spéculation émotionnelle.

« Avec respect pour tous les protagonistes, je constate qu’ils se traitent les uns les autres comme de méchants adolescents — abusant des attaques personnelles plutôt qu’en donnant des arguments de fond.

« [Il n’y pas eu] de véritables débats à la Chambre des Lords et au Parlement [une “grande honte”, dit-il] non pour prendre une décision, mais pour développer des arguments raisonnables des deux côtés, alors que ce que nous entendons est de la pure spéculation. […] Il s’agit d’effrayer les gens quelles que soient la ligne qu’ils suivent, “in” ou “out”. Ce n’est pas le bon moyen d’avoir une vision rationnelle sur ce qui est la meilleure chose pour notre avenir et pour l’Europe. »

Mgr Smith a conclu en disant qu’il était indécis sur son vote, mais il a noté que l’une des conséquences possibles d’une victoire du Brexit pourrait être la désintégration de l’UE si d’autres pays suivent l’exemple de la Grande-Bretagne. Ce qui n’a pas l’heur de lui déplaire. Le catastrophisme n’est pas une politique.

 

Sources : http://www.catholicherald.co.uk/tag/brexit/
Traduction personnelle.

Publié par Boulevard Voltaire

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