La France est-elle une nation définitivement irréformable ? Ou ne peut-elle changer que dans la violence ? Non, répond Stéphane Buffetaut, les ressources vraies de la France dépassent les diagnostics les plus sombres. Oui, la France a toujours un avenir. « Les nations ne meurent pas », disait le pape Benoît XV, tandis que se massacraient les plus grandes puissances du monde en 1915. Encore faut-il saisir la substance d’une nation, et ne pas réduire sa réalité au pouvoir des oligarques, de l’administration, des partis ou de l’intelligentsia.
La nation, c’est une amitié, dit Buffetaut. « Le sentiment de partager un héritage et un destin communs, de former une communauté, de se projeter ensemble vers l’avenir. » Une réalité humaine « qui n’est pas indéfiniment malléable au gré des diktats idéologiques ou des impératifs des marchés ». Cette France réelle, charnelle et non point légale, c’est la France qui ne peut pas mourir, et qui peut renverser les conservatismes sclérosants et les intérêts de caste.
Pourtant, le diagnostic de l’auteur est sévère. « La France est lugubre comme une maison abandonnée et menacée de ruine. » Le mal profond qui affecte notre pays touche le lien social, pervertit l’autorité de l’État, en deçà et au-delà de nos frontières, un État omniprésent où il devrait s’effacer, absent quand il devrait jouer son rôle. Immigration, écologie, déculturation, désinformation, famille, fonction publique, Europe, islam… partout, l’aveuglement idéologique ébranle les volontés et brouille les intelligences.
La révolution en douceur
Membre du Conseil économique et social européen, ancien eurodéputé et élu local pendant vingt ans, homme d’entreprise investi dans le dialogue social, Stéphane Buffetaut est un fin connaisseur des rouages de la société française, de son économie et de son administration. Il pourrait se contenter d’être impitoyable, de chiffrer le désastre, de maudire l’obscurité. Mais sa lecture du mal français ne ressortit pas du déclinisme auquel les catastrophistes se livrent ad nauseam pour justifier les surenchères illusoires des sauveurs autoproclamés.
Le grand mérite de ce livre est de comprendre les blocages de la réalité française à la lumière de son histoire — qui ne commence pas en 1789 —, de ses crises et de ses drames, mais aussi de ses sursauts et de ses victoires. D’où une réflexion vivante et documentée qui demeure résolument positive. Pour réformer le système, il ne faut pas des recettes, mais « refonder une morale civique et sociale » en dehors du système : « La révolte viendra de ceux qui créent, ceux qui osent, ceux qui risquent, ceux qui servent. » Car les révolutions douces, celles qui réussissent comme celles qui ont démoli le communisme, « ont été l’œuvre de la société civile ».
La condition cependant, demeure la même si l’on veut sortir du mythe de la transformation de la société par la magie de la technique ou de la tactique : que le peuple ait lui-même le désir de se transformer moralement et culturellement pour « s’arracher aux idéologies qui ont fait faillite ». Cette condition, c’est précisément la difficulté et l’on voit bien que les formules de la politique conventionnelle ne sauraient suffire à la remplir. Ce désir de transformation intérieure à faire partager au plus grand nombre, ou tout au moins à la minorité qui saura entraîner la masse critique décisive, c’est la véritable priorité politique « pour que l’histoire, encore, s’écrive en français ».
Publié par les Cahiers libres
Stéphane Buffetaut
Oui, la France a un avenir
Préface de Charles Millon
Editions du Rocher, 2016, 234 p., 18,90 €