L’obstination mise à casser l’orthographe ne tient pas seulement à la volonté de la rendre facile, au prétexte que le principe exigeant de la « règle » serait la marque d’une société coincée et inégalitaire. Il s’agit de casser ce qui se transmet, ce qui se reçoit. De montrer que rien ne résiste au pouvoir de l’Etat. L’orthographe ne doit plus apparaître (avec un î) comme un donné objectif, commun, « métapolitique ». Elle doit se pratiquer à l’instinct, et à l’instinct obligatoire : le ministère de l’Education nationale – qui se réfugie abusivement derrière l’Académie – est en train d’inventer l’orthographe animale. On nous dit que l’orthographe doit vivre. Que les conventions surannées (un r, deux n) de la ponctuation bourgeoise seraient arbitraires et artificielles, tout comme les règles sont artificielles. Mais il n’y a rien de plus artificiel que la FABRICATION d’une langue par décret.
Une langue, dans ses règles et ses harmoniques, vit, tout comme un peuple vit. Le français médiéval n’est pas le français du XVIIIe siècle, mais le français de Voltaire n’a pas eu besoin de décret ministériel pour être ce qu’il était. Il a grandi par l’usage, librement.
La langue se reçoit dans le peuple, par le peuple dans toutes ses composantes, sa richesse et oui, ses exigences. A moins que le peuple ne veuille plus s’élever, ou « qu’on » ne veuille plus l’élever. Un peuple sans accent, à l’orthographe animale est certes plus facilement malléable (deux l).