Sur son blog, la journaliste de La Croix Isabelle de Gaulmyn revient sur la manifestation monstre du Family Day romain (1 à 2 millions de personnes !) en croyant comprendre que le pape François a mis fin à l’approche politique des papes Jean-Paul II et Benoît XVI, fondée sur les principes « non-négociables ». Avec le pape François, « on ne construit plus des murs », on dialogue, on fait des compromis…
Contresens ! Pour Joseph Ratzinger, « ce n’est pas l’absence de compromis, mais le compromis lui-même qui constitue la véritable morale en matière politique » (Eglise, Oecuménisme et Politique, Fayard, 1987). Les valeurs non-négociables dont parle Isabelle de Gaulmyn ne sont pas les « fondements chrétiens de la société » comme elle dit, mais les fondements humains universels de toute société libre (dignité de la personne, respect de la vie, liberté d’éducation, famille fondée sur le mariage) : ces principes, en tant que principes ne sont pas négociables. Mais la politique n’est pas réductible aux principes : c’est précisément l’art de composer les principes qui ne changent pas avec la réalité qui change. Les principes ne sont pas négociables, mais les moyens le sont, et le sont par définition. Aucun pape n’a dit le contraire.
Le pape François quant à lui n’a jamais remis en cause le caractère non-négociable des fondements anthropologiques de la société, et c’est bien le rôle de l’Eglise de rappeler la vérité de ces principes universels, à temps et à contretemps, bien que ces principes ne soient pas confessionnels ou religieux.
Que le pape François s’adresse au monde politique à sa manière, souvent décalée, c’est certain, mais il n’a jamais été moins intransigeant sur les principes. Et dans la pratique, il est allé plus loin que d’autres papes : en 2013, il a même rejoint physiquement la Marche pour la vie de Rome. Et cette année pour le Family Day, des prélats étaient présents, comme des évêques ont participé aux Manifs pour tous en France.
Quant aux laïcs, c’est bien à eux de se « salir les mains » (pape François) pour composer les meilleures stratégies, et trouver les meilleurs compromis, dans l’univers de la contingence et de l’imperfection des actes humains. D’où la possibilité d’une véritable pluralité entre eux. Et s’il y a bien des papes qui les ont poussés à agir ainsi, ce sont bien JP II et Benoît XVI.
Enfin, la distinction éthique de conviction/éthique de responsabilité évoquée par Mme de Gaulmyn, montre à nouveau sa limite dans une approche chrétienne de la responsabilité politique, qui conduit à relativiser les principes, trahir les consciences et absolutiser le pouvoir de l’Etat.
La politique schizophrène, non merci.