« ET SI LA VIEILLESSE était l’avenir et le salut du monde ? » s’interroge le philosophe Robert Redeker dans un essai récent (Bienheureuse vieillesse, Éditions du Rocher). C’est la question que la revue Liberté politique se pose avec l’Observatoire socio-politique du diocèse de Fréjus-Toulon qui a lancé cette réflexion collective.
Dans une société obsédée par le jeunisme, il ne fait pas toujours bon vieillir. Pourtant, notre pays n’a jamais été aussi vieux : la durée de vie s’allonge, la population des retraités explose, la natalité est en chute libre, la famille est marginalisée. Les personnes âgées devraient être les princes de ce monde. Elles ne valent cependant que par leur vote et leur consommation. Dès qu’elles ne peuvent plus assumer la jeunesse physique et sociale de rigueur, elles deviennent encombrantes. Même si des prouesses de générosité et de créativité font face, le défi principal demeure culturel et politique : une société qui ne reconnaît plus dans la sagesse des anciens le trésor de sa mémoire, est une société qui meurt. C’est en reconnaissant à la vieillesse son rôle de transmetteur que la France rajeunira.
Ce pays vieilli, tétanisé par la peur de son identité, est aussi ce pays en plein désarroi devant le raz-de-marée migratoire provoqué par les guerres musulmanes. Le dossier que nous consacrons à cette question soulève les contradictions du multiculturalisme : en refusant de s’aimer soi-même, on n’aime plus personne. Les peuples qui souffrent n’attendent pas de la France des discours et des promesses intenables, mais une politique libre qui vise d’abord à les aider à demeurer chez eux, en paix, car « les migrants ont d’abord le droit de ne pas émigrer » (pape François).
Pour que la France rajeunisse, il faudrait aussi que ses propres enfants soient acceptés comme un don gratuit et comme une promesse d’avenir, et non l’objet de manipulations sélectives ou de sordides transactions protégées par le droit. Nous en sommes loin. Or les nations où le droit ne s’octroie pas tous les droits sont les nations où les parents sont les gardiens de leurs enfants, et les enfants gardiens de leurs parents.
Paru dans Liberté politique n° 67, automne 2015.