Cardinal Ratzinger : Lettre aux évêques américains à propos de l’accès à la sainte communion des responsables politiques

Document | Un responsable politique favorable à l’avortement peut-il recevoir la communion ? Dans le cadre de la préparation de l’élection présidentielle américaine de 2004, le cardinal Ratzinger a répondu aux évêques américains qui l’interrogeaient. On trouve dans sa réponse un éclairage sur les principes généraux de discernement concernant le soutien ou non que les catholiques peuvent apporter aux candidats à des élections sur cette délicate question. Le destinataire du mémorandum, le cardinal McCarrick n’a pas souhaité le rendre public, mais l’entourage du cardinal Ratzinger en a confirmé le contenu.

Être digne de recevoir la sainte communion. Principes généraux

  1. Se présenter pour recevoir la sainte communion devrait être une décision réfléchie, fondée sur un jugement raisonné permettant de savoir si l’on est digne de communier selon les critères objectifs de l’Eglise. Il faut se poser des questions comme “Suis-je en pleine communion avec l’Eglise catholique ? Suis-je coupable d’un péché grave ? Ai-je encouru des peines (comme une excommunication ou une interdiction) qui m’interdisent de recevoir la sainte communion ? Me suis-je préparé en jeûnant depuis une heure au moins ?“. Le fait de se présenter sans réflexion à recevoir la sainte communion, simplement parce que l’on est présent à la messe, est un abus qui doit être corrigé (cf. l’instruction Redemptoris Sacramentum, n° 81, 83). 
  2. L’Eglise enseigne que l’avortement ou l’euthanasie sont des péchés graves. L’encyclique Evangelium Vitae, se référant à des décisions de justice ou à des lois civiles autorisant ou encourageant l’avortement ou l’euthanasie, établit qu’il existe “une obligation importante et précise de s’y opposer par l’objection de conscience. […] Dans le cas d’une loi intrinsèquement injuste, comme celle qui admet l’avortement ou l’euthanasie, il n’est jamais licite de s’y conformer, ni de participer à une campagne d’opinion en faveur d’une telle loi, ni de voter pour elle“ (n. 73). Les chrétiens “sont appelés, en vertu d’un grave devoir de conscience, à ne pas apporter leur collaboration formelle aux pratiques qui, bien qu’admises par la législation civile, sont en opposition avec la Loi de Dieu. En effet, du point de vue moral, il n’est jamais licite de coopérer formellement au mal. […] Cette coopération ne peut jamais être justifiée en invoquant le respect de la liberté d’autrui ni en prenant appui sur le fait que la loi civile la prévoit et la requiert“ (n. 74).3. Les questions morales n’ont pas toutes le même poids moral que l’avortement ou l’euthanasie. Par exemple, si un catholique était en désaccord avec le Saint-Père sur l’application de la peine capitale ou sur la décision de faire la guerre, il ne serait pas considéré pour cette raison comme indigne de se présenter pour recevoir la sainte communion. L’Eglise exhorte les autorités civiles à rechercher la paix et non la guerre et à faire preuve de modération et de miséricorde dans l’application d’une peine aux criminels. Toutefois, il peut être permis de prendre les armes pour repousser un agresseur ou d’avoir recours à la peine capitale. Les catholiques peuvent légitimement avoir des opinions différentes sur la guerre ou la peine de mort, mais en aucun cas sur l’avortement et l’euthanasie.

    4. Indépendamment du jugement que chacun porte sur sa propre dignité à se présenter pour recevoir la sainte eucharistie, le ministre de la sainte communion peut se trouver dans une situation où il doit refuser de distribuer la sainte communion à quelqu’un, comme dans les cas d’excommunication déclarée, d’interdit déclaré ou de persistance obstinée dans un péché grave manifeste (cf. can. 915).

    5. Concernant les péchés graves d’avortement ou d’euthanasie, lorsque la coopération formelle d’une personne devient manifeste (comprendre: lorsqu’un homme politique catholique fait systématiquement campagne pour l’avortement et l’euthanasie et vote des lois permissives sur ces sujets), son pasteur devrait le rencontrer, lui expliquer l’enseignement de l’Eglise, l’informer qu’il ne doit pas se présenter à la sainte communion tant qu’il n’aura pas mis fin à sa situation objective de péché, sans quoi l’eucharistie lui sera refusée.

    6. Au cas où “ces mesures préventives n’auraient pas eu d’effet ou n’auraient pas été possibles“ et si la personne en question, faisant preuve d’obstination, se présente malgré tout pour recevoir la sainte eucharistie, “le ministre de la sainte communion doit refuser de la lui donner (cf. la déclaration du conseil pontifical pour l’interprétation des textes législatifs, “Sainte communion et catholiques divorcés et remariés civilement“, 2000, n° 3-4). Cette décision n’est à proprement parler ni une sanction ni une peine. Le ministre de la sainte communion ne formule pas non plus un jugement sur la faute subjective de la personne ; il réagit plutôt à l’indignité publique de cette personne à recevoir la sainte communion, en raison d’une situation objective de péché.

N.B. Un catholique serait coupable de coopération formelle au mal – et donc indigne de se présenter à la sainte communion – s’il votait délibérément pour un candidat en raison même des positions permissives de celui-ci sur l’avortement et/ou l’euthanasie. Quand un catholique ne partage pas la position d’un candidat en faveur de l’avortement et/ou de l’euthanasie mais vote pour lui pour d’autres raisons, cette coopération, considérée comme matériellement indirecte, peut être permise pour des raisons proportionnées.

Trad. Chiesa.espressonline.it

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