Retour de Total sur le marché iranien : une victoire diplomatique de premier plan

L’Iran et Total signent lundi 3 juillet un contrat de 4,8 milliards de dollars pour l’exploitation du champ gazier de South Pars. Cette réussite s’explique pour des raisons stratégiques propres au groupe Total, mais également culturelles et géopolitiques. Décryptage de Thomas Flichy de La Neuville.

LE GROUPE TOTAL, dont la représentation est située dans les quartiers nord de Téhéran, n’a jamais mis fin à sa présence en Iran. Même au plus fort de la crise, le groupe a tenu à conserver une représentation sur place. Ceci était d’autant plus intelligent que la France avait adopté une position très dure vis-à-vis de l’Iran, à l’inverse de l’Italie, l’Espagne ou l’Allemagne, qui avaient poursuivi leurs affaires sur place. C’est donc la stratégie de modération et de réalisme propre au groupe français qui a payé. Le ministre iranien des Affaires étrangères faisait une discrète visite en France la semaine dernière afin de mettre une touche finale aux négociations. 

En second lieu, et malgré les maladresses diplomatiques de la dernière décennie, la France a réussi à revenir sur ce marché dans la mesure où elle y bénéficie encore d’un capital culturel important. La France est associée à ce qui compte le plus pour les Iraniens : l’histoire et la culture. N’oublions pas que sont des archéologues français qui ont fouillé le site de Suse. À l’inverse, la France considère la Perse, depuis le XVIIe siècle, comme son miroir oriental. Les industriels français ne devront pas oublier cet aspect s’ils désirent inscrire leur nouvelle coopération économique dans la durée.

Transition géopolitique : exit les USA

En troisième lieu, le retour de Total s’explique par l’exploitation d’une transition géopolitique majeure : aux États-Unis, la situation intérieure concentrant l’essentiel de l’énergie du nouveau gouvernement, la politique étrangère a été reléguée au second rang. Il n’est donc pas étonnant que pour la création du G5 Sahel, la France ait obtenu tout d’abord l’accord de la Russie et de la Chine, puis — avec les réticences habituelles — celui des États-Unis.

Aujourd’hui, le Moyen-Orient fournit une nouvelle illustration de la diminution de l’influence américaine. Après avoir durci les sanctions envers l’Iran afin d’évincer les entreprises européennes puis de rafler la mise pour eux-mêmes à l’occasion d’un big deal, les États-Unis se retrouvent aujourd’hui exclu de ce marché prometteur. Il n’est donc pas étonnant dans ce contexte que la Chine signe aujourd’hui un accord avec Total pour l’exploitation du gaz iranien. Décidément, les temps changent.

 

Thomas Flichy de La Neuville

Auteur : Thomas Flichy de La Neuville

Professeur à l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr Coëtquidan.

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