Gagner le cœur de la France qui souffre, qui travaille et qui espère

Comment reconstruire ? La France périphérique, cette France abrutie par des années d’assistanat et de télévision débile, attend qu’on lui parle de ce qui est grand en elle.

LA LEçON PRINCIPALE de la présidentielle est celle-ci : 75% de la France pense et vit à gauche, même si cette gauche liquide est fracturée (libérale ou nationaliste) et pas nécessairement convaincue. Son seul point commun est dans l’individualisme de son mode de pensée, régulé par la technique et le marché d’un côté, par la force de l’autre.

Le drame est que la droite, réduite au rôle de l’opposition alimentaire aux partis de gauche, faute de mieux, est pour une bonne part infestée par cet individualisme relativiste. D’où l’échec de François Fillon et l’extrême difficulté qu’il a eu à dominer la situation, à la fois en raison de ses faiblesses personnelles, de conviction et de tempérament, mais aussi des conditions quasi impossibles d’un renouvellement intellectuel alternatif à la domination de la gauche.

L’échec de François Fillon

La seule chance de la droite reposait sur un coup de poker : le rejet de François Hollande et la qualification du bouc-émissaire Marine Le Pen au second tour contre François Fillon. Ce coup de poker pouvait réussir, et ses adversaires, ultra-majoritaires, ne s’y sont pas trompés. D’où la violence des coups bas qu’il a reçus, et surtout la quasi-unanimité des relais politico-médiatiques qui se sont acharnés contre lui.

Mais le complot ne pouvait fonctionner que parce qu’il surfait sur un démagogisme en phase avec l’opinion dominante. Le remède de cheval proposé par le candidat républicain était sage, mais invendable sans concession véritable à l’esprit du temps, et son conservatisme sociétal, même très ambigu, était une provocation qui n’allait pas dans le sens officiel de l’histoire.

Pour contourner l’obstacle de la bien-pensance, il fallait décrocher un bon quart de la France de gauche. Or le candidat LR n’a pas su parler à la France périphérique. Nicolas Sarkozy y était parvenu en 2007, mais de manière purement tactique et artificielle. Si l’on veut convaincre et reconstruire, il faudra le faire en vérité.

Chacun pour soi pour survivre

Car cette France est ambivalente. Elle reste imprégnée par une mentalité de gauche, sensible aux promesses de l’État-providence, au mythe des 35h et de la retraite à 60 ans ainsi qu’à la fatalité du relativisme moral (avortement, euthanasie, « mariage » homo). Cette France qui travaille dur, qui souffre, s’est enfoncée dans l’individualisme du struggle for life : chacun pour soi pour survivre.

Quand elle vote à droite, ce n’est que par rejet de l’embourgeoisement de la gauche donneuse de leçons qui court après l’argent qui ne profite qu’aux riches, mais ses attentes profondes n’ont pas changé : plus d’État, plus de sécurité, plus de frontières, plus de prospérité et pour le reste, chacun vit comme il veut. Le FN s’est aligné sur ses attentes, en renforçant son discours étatiste et sécuritaire.

Parler de la France

Pour gagner le cœur de cette France périphérique et le transformer dans ce qu’il a de meilleur, il faut lui parler de la France, qui demeure son patrimoine (ce qui reste quand on a tout perdu), car la France périphérique, cette France abrutie par des années d’assistanat et de télévision débile, attend malgré tout qu’on lui parle de ce qui est grand en elle.

Il fallait la rejoindre dans son quotidien qui élève : l’amour du travail bien fait, l’amour de sa famille et de ses enfants, avec les efforts qu’ils méritent, le respect intime et secret pour la morale transmise par ses parents où tout ne se vaut pas, l’attirance pour le beau, l’admiration pour le don de soi, pour la générosité, pour le soutien des plus faibles, ces vertus qui forgent l’unité d’une nation enracinée dans le sacrifice des anciens qui ont donné leurs vies pour elle.

Ces vertus, cette grandeur de la France qui transcende les difficultés personnelles, familiales et sociales, personne n’en parle. Dans une société relativiste et matérialiste, la soif d’identité qui rassemble s’est transformée en égoïsme collectif, plus diviseur qu’intégrateur. Et quand cette soif d’identité fait peur, on la diabolise, faute d’avoir pu l’acheter. Pour Emmanuel Macron, la France n’est-elle pas coupable de crimes contre l’humanité ? Et sa culture purement géographique ?

Retrouver l’âme du peuple

Pour faire face aux difficultés, le système politique n’est plus que dans la fuite en avant idéologique : la dissolution de soi et l’enfermement sur soi, la loi de la jungle du relativisme libéral-libertaire de la morale républicaine et le mythe du pouvoir politique qui peut résoudre tous les problèmes.

Si les deux grandes coalitions gouvernementales ont explosé en vol à l’issue de ce premier tour de l’élection présidentielle 2017, c’est fondamentalement parce qu’elles se sont enfoncées dans un matérialisme économique qui a perdu l’âme du peuple.

Oui, une nation ne peut se survivre à elle-même sans les conditions économiques requises pour qu’elle puisse donner librement toute sa mesure. Mais ce n’est pas dans le simplisme de l’État tout puissant, ni dans le simplisme de la libération de l’argent-roi que la nation va se retrouver pour affronter les défis de demain, qu’il s’agisse des migrations sauvages, de la guerre contre le terrorisme ou du grignotage de la souveraineté nationale par l’Europe de Bruxelles.

Cela dit, rien n’est jamais perdu. Dans l’épreuve, c’est la France qu’il faut retrouver. La France qui n’est ni de droite ni de gauche en a vu d’autres. Cela fait 1500 ans qu’elle survit à sa classe politique.

 

A paraître sur Aleteia.

Sur ce sujet :
A propos des racines de l’impasse de l’offre politique du second tour : http://conscientia.fr/2017/05/05/presidentielle-sortir-du-piege-et-reconstruire/

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