Carnet de voyage : « En flânant à travers Téhéran »

Impressions de voyage de l’auteur à Téhéran. Thomas Flichy de La Neuville a publié L’Iran au-delà de l’islamisme (L’Aube, 2013) et dirigé avec Antoine de Prémonville Géopolitique de l’Iran (PUF, 2015).

JE FUS SAISI à ma descente d’avion par cette espèce d’odeur un peu âcre qui me rappelait que j’avais retrouvé Téhéran la miséreuse et son haleine pétrolière. Le temps d’attendre une heure en compagnie d’un acheteur de tapis italien et d’un allemand en mission interlope, je me frayai un chemin dans la rue, égayé par le concert étrange des imperceptibles coups de klaxon qui accompagne le flot anarchique des voitures. L’on circule bien la nuit sous les banderoles à la gloire du régime et il me fallut attendre la chaleur du jour suivant pour examiner la façon dont la ville avait changé. Continuer la lecture de « Carnet de voyage : « En flânant à travers Téhéran » »

Le pape François, signe de contradiction

Pour comprendre la dimension prophétique du pape François, y compris dans ses faiblesses humaines, il faut le situer dans sa vocation propre. L’incendie dévore des pans entiers de l’humanité. On ne peut plus vivre comme avant. Les forces du mal sont déchaînées.

LE PAPE est très critiqué. Ses positions paraissent parfois utopiques, iréniques sur tout ce qui aborde le politique. Son dernier message du 15 août pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié est sur un plan spirituel et personnel juste mais sur un plan collectif dépourvu de sagesse politique. Il est vrai qu’il aborde le sujet de façon très horizontale et passe sous silence la menace considérable que représente l’islam pour notre continent — même s’il s’adresse au monde entier. Or cette question ne peut être évacuée pour nos nations européennes. Continuer la lecture de « Le pape François, signe de contradiction »

Le cardinal de Retz, mots d’esprit pour temps de troubles

A lire ou relire, quelques traits extraordinairement lucides sur la métamorphose d’un État en temps de guerre civile.

JEAN-FRANçOIS DE GONDI se savait trop léger pour prétendre s’emparer du pouvoir. Cet agitateur professionnel nous a pourtant légué, au fil de ses Mémoires, quelques traits extraordinairement lucides sur la métamorphose de l’État en temps de guerre civile. Continuer la lecture de « Le cardinal de Retz, mots d’esprit pour temps de troubles »

Le pape et l’immigration : à chacun ses responsabilités

Pourquoi les propos du pape sur le phénomène migratoire sont toujours compris de travers. La responsabilité de l’Église ne se substitue pas à celle des États.

LE GAGNANT de la petite phrase provocation de l’été est à nouveau le pape François. Mais la provocation est moins dans ses propos, constants dans leur appel à l’accueil généreux des migrants, que dans l’indignation qu’elle suscite sur la foi d’une erreur tout aussi constante sur la nature de son autorité. Continuer la lecture de « Le pape et l’immigration : à chacun ses responsabilités »

Avortement : le vice initial de la loi de 75

La mort de Simone Veil a réveillé le débat tragique sur la légitimité et l’évolution de la loi de 1975 dépénalisant l’avortement. La loi Veil a pu être jugée inacceptable en raison de sa rédaction ambiguë, affirmant tout et son contraire, ouvrant la porte à toutes les dérives, mais discutable comme loi de tolérance. Dans les faits, la dépénalisation est devenue criminogène : était-ce l’intention initiale ? Sans doute pas, mais elle portait atteinte au bien commun, ce que personne n’a voulu admettre dès l’origine.

LA LEGISLATION actuelle sur l’IVG ne correspond plus à l’équilibre que Simone Veil souhaitait atteindre en 1975, argumente Chantal Delsol dans le Figaro du 3 juillet à l’occasion de la mort de l’ancien ministre de la Santé [1]. Le sujet abordé et la manière dont il a été traité par la philosophe soulèvent des questions trop importantes pour ne pas appeler leur approfondissement. Continuer la lecture de « Avortement : le vice initial de la loi de 75 »

Retour de Total sur le marché iranien : une victoire diplomatique de premier plan

L’Iran et Total signent lundi 3 juillet un contrat de 4,8 milliards de dollars pour l’exploitation du champ gazier de South Pars. Cette réussite s’explique pour des raisons stratégiques propres au groupe Total, mais également culturelles et géopolitiques. Décryptage de Thomas Flichy de La Neuville.

LE GROUPE TOTAL, dont la représentation est située dans les quartiers nord de Téhéran, n’a jamais mis fin à sa présence en Iran. Même au plus fort de la crise, le groupe a tenu à conserver une représentation sur place. Ceci était d’autant plus intelligent que la France avait adopté une position très dure vis-à-vis de l’Iran, à l’inverse de l’Italie, l’Espagne ou l’Allemagne, qui avaient poursuivi leurs affaires sur place. C’est donc la stratégie de modération et de réalisme propre au groupe français qui a payé. Le ministre iranien des Affaires étrangères faisait une discrète visite en France la semaine dernière afin de mettre une touche finale aux négociations.  Continuer la lecture de « Retour de Total sur le marché iranien : une victoire diplomatique de premier plan »

Simone, l’icône trop parfaite

Tout avortement est un drame, disait Simone Veil. C’est désormais sa loi qui est un drame pour la France. La loi de 1975 se voulait une loi de tolérance limitée : elle a ouvert la voie à toutes les transgressions. Au nom du droit, l’enfant est devenu une chose. Cette mécanique infernale de l’enchaînement du mal procède toujours par le mensonge et la manipulation, comme le rappelle l’historien Jean Chaunu (Le Paradigme totalitaire, FX de Guibert, 2009).

QUAND UN GENOCIDE qui ne peut pas encore dire son nom est décidé contre l’être le plus vulnérable, le plus faible, le plus originel et le plus originaire qui soit, il ne peut l’être par définition qu’avec le consentement tacite du plus grand nombre qui participe de son intimité même. L’historien Götz Aly (Comment Hitler a acheté les Allemands : Le IIIe Reich, une dictature au service du peuple, Flammarion, 2005) l’avait montré à propos de la « loi T4 »[1]. Continuer la lecture de « Simone, l’icône trop parfaite »

Ce que dit la cravate au député sans cravate

« À quoi peut donc servir une cravate ? » s’interroge Philippe Bénéton dans le “Dérèglement moral de l’Occident” (Cerf). Professeur de science politique, l’auteur scrute le sens de « ce morceau d’étoffe de forme bizarre » porté encore par certains enseignants à la Faculté. « Ce bout d’étoffe est plus qu’un bout d’étoffe, dit-il, il est chargé de sens. » Il y a un langage des formes, et ce langage s’applique partout. Remplacez “professeur” par “député”, ”université” par ”parlement”, “étudiants” par “citoyens” : cela fonctionne parfaitement. Le professeur cravaté dit par là qu’il se prend pour un professeur ; le parlementaire sans cravate dit par là qu’il ne se prend pas pour un parlementaire.

« BOUTONNER ou déboutonner son col, telle est la question. D’un point de vue strictement utilitaire, la question est futile. Dans la pratique, l’enseignement n’implique aucune tenue particulière, il consiste à parler. On peut tout aussi bien parler en sandales ou en chaussures, en kilt ou en pantalon, avec une lavallière ou le col ouvert. Qu’importe si l’utilité commande. Continuer la lecture de « Ce que dit la cravate au député sans cravate »

Législatives : ne pas se tromper d’adversaires

Le bon vote est le vote pour le bien commun. Considérer que le bien commun est supérieur à ses « convictions » ou à ses « valeurs » est un exercice parfois difficile. C’est admettre que la politique n’est pas le lieu de l’affrontement entre le bien et le mal, mais le théâtre du meilleur possible, dans une réalité complexe. Bien voter, c’est bannir l’esprit de parti et les ambitions mal placées qui divisent au lieu de construire.

EN PERIODE TROUBLEE, le Français a une solution : moi ou le chaos. Cela donne 7.882 candidats aux législatives pour 577 places, soit 14 candidats par circonscription. Des hommes et des femmes courageux, au dévouement incontestable, certes, mais dont le nombre soulève un malaise. Continuer la lecture de « Législatives : ne pas se tromper d’adversaires »

Bellamy : « Tout est à reconstruire. Tout commence »

Extraits d’une tribune de François-Xavier Bellamy, parue dans Le Figaro du 27 avril 2017, à méditer quelques jours avant le premier tour de l’élection législative.

« L’ELECTION présidentielle laissera à des millions de Français le sentiment amer d’un rendez-vous manqué ; et cet échec est lourd de conséquences. Alors que notre pays, pourtant riche d’un potentiel exceptionnel, traverse une crise qui touche aujourd’hui toutes les dimensions de notre vie collective, il était plus nécessaire que jamais d’aboutir à un choix clair, assumé, et rendu légitime par un vrai débat de fond. C’est ce cap cohérent qui a tant manqué à la France depuis cinq ans. Pouvions-nous nous offrir le luxe d’un nouveau choix grevé d’ambiguïtés ? C’est pourtant ce qui vient d’arriver. […] Continuer la lecture de « Bellamy : « Tout est à reconstruire. Tout commence » »